Henri Cartier-Bresson- Three Poems from Les Fleurs du Mal The Flowers of Evil by Henri Cartier-Bresson , in 1997)

Hymne

À la très chère, à la très belle
Qui remplit mon coeur de clarté,
À l’ange, À l’idole immortelle,
Salut en l’immortalité!

Elle se répand dans ma vie
Comme un air imprégné de sel,
Et dans mon âme inassouvie
Verse le goût de l’éternel.

Sachet toujours frais qui parfume
L’atmosphère d’un cher réduit,
Encensoir oublié qui fume
En secret à travers la nuit,

Comment, amour incorruptible,
T’exprimer avec vérité?
Grain de musc qui gis, invisible,
Au fond de mon éternité!

À la très bonne, à la très belle
Qui fait ma joie et ma santé,
À l’ange, à l’idole immortelle,
Salut en l’immortalité!

— Charles Baudelaire

Hymn

To the dearest, fairest woman
Who sets my heart ablaze with light,
To the angel, the immortal idol,
Greetings in immortality!

She permeates my life
Like air impregnated with salt
And into my unsated soul
Pours the taste for the eternal.

Sachet, ever fresh, that perfumes
The atmosphere of a dear nook,
Forgotten censer smoldering
Secretly through the night,

Everlasting love, how can I
Describe you truthfully?
Grain of musk that lies unseen
In the depths of my eternity!

To the dearest, fairest woman
Who is my health and my delight
To the angel, the immortal idol,
Greetings in immortality!

— Charles Baudelaire

Henri Cartier-Bresson- Pause entre deux poses, 1989,avec Hymne

Henri Cartier-Bresson- Pause entre deux poses, 1989,avec Hymne ( and published In Three Poems from Les Fleurs du Mal  The Flowers of Evil by  Henri Cartier-Bresson , in 1997 with Hymne)

Les Promesses d’un visage

J’aime, ô pâle beauté, tes sourcils surbaissés,
    D’où semblent couler des ténèbres;
Tes yeux, quoique très-noirs, m’inspirent des pensers
    Qui ne sont pas du tout funèbres.

Tes yeux, qui sont d’accord avec tes noirs cheveux,
    Avec ta crinière élastique,
Tes yeux, languissamment, me disent: «Si tu veux,
    Amant de la muse plastique,

Suivre l’espoir qu’en toi nous avons excité,
    Et tous les goûts que tu professes,
Tu pourras constater notre véracité
    Depuis le nombril jusqu’aux fesses;

Tu trouveras au bout de deux beaux seins bien lourds,
    Deux larges médailles de bronze,
Et sous un ventre uni, doux comme du velours,
    Bistré comme la peau d’un bonze,

Une riche toison qui, vraiment, est la soeur
    De cette énorme chevelure,
Souple et frisée, et qui t’égale en épaisseur,
    Nuit sans étoiles, Nuit obscure!»

— Charles Baudelaire

The Promises of a Face

I love your elliptical eyebrows, my pale beauty,
From which darkness seems to flow;
Although so black, your eyes suggest to me
Thoughts in no way funereal.

Your eyes, in harmony with your black hair,
With your buoyant mane,
Your swooning eyes now tell me: « If you wish,
O lover of the plastic muse,

To follow the hope we have excited in you,
And all the fancies you profess,
You will be able to prove our truthfulness
From the navel to the buttocks;

You will find at the tips of two heavy breasts
Two slack bronze medallions,
And under a smooth belly, soft as velvet,
Swarthy as the skin of a Buddhist,

A rich fleece, which truly is the sister
Of this huge head of hair,
Compliant and curly, its thickness equals
Black night, night without stars! »

Charles Baudelaire

Henri Cartier Bresson, Mexico, 1963 from tree poem ....

Henri Cartier Bresson, Mexico, 1963  ( and published In Three Poems from Les Fleurs du Mal  The Flowers of Evil by  Henri Cartier-Bresson , in 1997 with Les Promesses d’un visage)

La Géante

Du temps que la Nature en sa verve puissante
Concevait chaque jour des enfants monstrueux,
J’eusse aimé vivre auprès d’une jeune géante,
Comme aux pieds d’une reine un chat voluptueux.

J’eusse aimé voir son corps fleurir avec son âme
Et grandir librement dans ses terribles jeux;
Deviner si son coeur couve une sombre flamme
Aux humides brouillards qui nagent dans ses yeux;

Parcourir à loisir ses magnifiques formes;
Ramper sur le versant de ses genoux énormes,
Et parfois en été, quand les soleils malsains,

Lasse, la font s’étendre à travers la campagne,
Dormir nonchalamment à l’ombre de ses seins,
Comme un hameau paisible au pied d’une montagne.

— Charles Baudelaire

The Giantess

At the time when Nature with a lusty spirit
Was conceiving monstrous children each day,
I should have liked to live near a young giantess,
Like a voluptuous cat at the feet of a queen.

I should have liked to see her soul and body thrive
And grow without restraint in her terrible games;
To divine by the mist swimming within her eyes
If her heart harbored a smoldering flame;

To explore leisurely her magnificent form;
To crawl upon the slopes of her enormous knees,
And sometimes in summer, when the unhealthy sun

Makes her stretch out, weary, across the countryside,
To sleep nonchalantly in the shade of her breasts,
Like a peaceful hamlet below a mountainside.

— Charles Baudelaire

Henri Cartier-Bresson, Martine's Legs, 1968 avec la géante

Henri Cartier-Bresson- Martine’s Legs, 1968 ( and published In Three Poems from Les Fleurs du Mal  The Flowers of Evil by  Henri Cartier-Bresson , in 1997 with La Géante)

Henri Michaux – Nous deux encore ,1948 photographie par Brassaï

Henri Michaux assis à sa table de travail 1943-1945 photo Brassaï , épreuve gélatino-argentique , Estate Brassaï - RMN-Grand Palais

Henri Michaux assis à sa table de travail 1943-1945 photo Brassaï , (Détail) épreuve gélatino-argentique , Estate Brassaï – RMN-Grand Palais

the original photo isthisone

Henri Michaux assis à sa table de travail 1943-1945 photo Brassaï , épreuve gélatino-argentique , Estate Brassaï - RMN-Grand Palais

Henri Michaux assis à sa table de travail 1943-1945 photo Brassaï , épreuve gélatino-argentique , Estate Brassaï – RMN-Grand Palais

Henri Michaux – Nous deux encore ,1948

 » Air du feu, tu n’as pas su jouer.
Tu as jeté sur ma maison une toile noire. Qu’est-ce que cet opaque partout ? C’est l’opaque qui a bouché mon ciel.Qu’est-ce que ce silence partout ? C’est le silence qui a fait taire mon chant.

L’espoir, il m’eût suffi d’un ruisselet. Mais tu as tout pris. Le son qui vibre m’a été retiré.
Tu n’as pas su jouer. Tu as attrapé les cordes. Mais tu n’as pas su jouer. Tu as tout bousillé tout de suite. Tu as cassé le violon. Tu as jeté une flamme sur la peau de soie.
Pour faire un affreux marais de sang.

Son bonheur riait dans son âme. Mais c’était tout tromperie. Ca n’a pas fait long rire.

Elle était dans un train roulant vers la mer. Elle était dans une fusée filant sur le roc. Elle s’élançait quoiqu’immobile vers le serpent de feu qui allait la consumer. Et fut là tout à coup, saisissant la confiante, tandis qu’elle peignait sa chevelure, contemplant sa félicité dans la glace.
Et lorsqu’elle vit monter cette flamme sur elle, oh…
Dans l’instant la coupe lui a été arrachée. Ses mains n’ont plus rien tenu. Elle a vu qu’on la serrait dans un coin. Elle s’est arrêtée là-dessus comme sur un énorme sujet de méditation à résoudre avant tout. Deux secondes plus tard, deux secondes trop tard, elle fuyait vers la fenêtre, appelant au secours.
Toute la flamme alors l’a entourée.

Elle se retrouve dans un lit, dont la souffrance monte jusqu’au ciel, jusqu’au ciel, sans rencontrer de dieu… dont la souffrance descend jusqu’au fond de l’enfer, jusqu’au fond de l’enfer sans rencontrer de démon.
L’hôpital dort. La brûlure éveille. Son corps, comme un parc abandonné..

Défenestrée d’elle-même, elle cherche comment rentrer. Le vide où elle godille ne répond pas à ses mouvements.
Lentement, dans la grange, son blé brûle.
Aveugle, à travers le long barrage de souffrance, un mois durant, elle remonte le fleuve de vie, nage atroce.
Patiente, dans l’innommable boursouflé elle retrace ses formes élégantes, elle tisse à nouveau la chemise de sa peau fine. La guérison est là. Demain tombe le dernier pansement. Demain…
Air du sang, tu n’as pas su jouer. Toi non plus, tu n’as pas su. Tu as jeté subitement, stupidement, ton sot petit caillot obstructeur en travers d’une nouvelle aurore.
Dans l’instant elle n’a plus trouvé de place. Il a bien fallu se tourner vers la Mort.
A peine si elle a aperçu la route. Une seconde ouvrit l’abîme. La suivante l’y précipitait.
On est resté hébété de ce côté-ci. On n’a pas eu le temps de dire au revoir. On n’a pas eu le temps d’une promesse.
Elle avait disparu du film de cette terre.
Lou
Lou
Lou, dans le rétroviseur d’un bref instant
Lou, ne me vois-tu pas ?
Lou, le destin d’être ensemble à jamais
dans quoi tu avais tellement foi
Eh bien ?
Tu ne vas pas être comme les autres qui jamais plus ne font signe, englouties dans le silence.
Non, il ne doit pas te suffire à toi d’une mort pour t’enlever ton amour.
Dans la pompe horrible
qui t’espace jusqu’à je ne sais quelle millième dilution
tu cherches encore, tu nous cherches place
Mais j’ai peur
On n’a pas pris assez de précautions
On aurait dû être plus renseigné,
Quelqu’un m’écrit que c’est toi, martyre, qui va veiller sur moi à présent.
Oh ! J’en doute.
Quand je touche ton fluide si délicat
demeuré dans ta chambre et tes objets familiers que je presse dans mes mains
ce fluide ténu qu’il fallait toujours protéger
Oh j’en doute, j’en doute et j’ai peur pour toi,
Impétueuse et fragile, offerte aux catastrophes
Cependant, je vais à des bureaux, à la recherche de certificats gaspillant des moments précieux qu’il faudrait utiliser plutôt entre nous précipitamment tandis que tu grelottes
attendant en ta merveilleuse confiance que je vienne t’aider à te tirer de là, pensant « A coup sûr, il viendra
« il a pu être empêché, mais il ne saurait tarder
« il viendra, je le connais
« il ne va pas me laisser seule
« ce n’est pas possible
« il ne va pas laisser seule, sa pauvre Lou…
Je ne connaissais pas ma vie. Ma vie passait à travers toi. Ca devenait simple, cette grande affaire compliquée. Ca devenait simple, malgré le souci.
Ta faiblesse, j’étais raffermi lorsqu’elle s’appuyait sur moi.
Dis, est-ce qu’on ne se rencontrera vraiment plus jamais ?
Lou, je parle une langue morte, maintenant que je ne te parle plus. Tes grands efforts de liane en moi, tu vois ont abouti. Tu le vois au moins ? Il est vrai, jamais tu ne doutas, toi. Il fallait un aveugle comme moi, il lui fallait du temps, lui, il fallait ta longue maladie, ta beauté, ressurgissant de la maigreur et des fièvres, il fallait cette lumière en toi, cette foi, pour percer enfin le mur de la marotte de son autonomie.
Tard j’ai vu. Tard j’ai su. Tard, j’ai appris « ensemble » qui ne semblait pas être dans ma destinée. Mais non trop tard.
Les années ont été pour nous, pas contre nous.
Nos ombres ont respiré ensemble. Sous nous les eaux du fleuve des événements coulaient presque avec silence.
Nos ombres respiraient ensemble et tout en était recouvert.

J’ai eu froid à ton froid. J’ai bu des gorgées de ta peine.
Nous nous perdions dans le lac de nos échanges.
Riche d’un amour immérité, riche qui s’ignorait avec l’inconscience des possédants, j’ai perdu d’être aimé. Ma fortune a fondu en un jour.
Aride, ma vie reprend. Mais je ne me reviens pas. Mon corps demeure en ton corps délicieux et des antennes plumeuses en ma poitrine me font souffrir du vent du retrait. Celle qui n’est plus, prend, et son absence dévoratrice me mange et m’envahit.
J’en suis à regretter les jours de ta souffrance atroce sur le lit d’hôpital, quand j’arrivais par les corridors nauséabonds, traversés de gémissements vers la momie épaisse de ton corps emmailloté et que j’entendais tout à coup émerger comme le « la » de notre alliance, ta voix, douce, musicale, contrôlée, résistant avec fierté à la laideur du désespoir, quand à ton tour tu entendais mon pas, et que tu murmurais, délivrée « Ah tu es là ».
Je posais ma main sur ton genou, par-dessus la couverture souillée et tout alors disparaissait, la puanteur, l’horrible indécence du corps traité comme une barrique ou comme un égout, par des étrangers affairés et soucieux, tout glissait en arrière, laissant nos deux fluides, à travers les pansements, se retrouver, se joindre, se mêler dans un étourdissement du cœur, au comble du malheur, au comble de la douceur.
Les infirmières, l’interne souriaient ; tes yeux pleins de foi éteignaient ceux des autres.
Celui qui est seul, se tourne le soir vers le mur, pour te parler. Il sait ce qui t’animait. Il vient partager la journée. Il a observé avec tes yeux. Il a entendu avec tes oreilles.
Toujours il a des choses pour toi.
Ne me répondras-tu pas un jour ?
Mais peut-être ta personne est devenue comme un air de temps de neige, qui entre par la fenêtre, qu’on referme, pris de frissons ou d’un malaise avant-coureur de drame, comme il m’est arrivé il y a quelques semaines. Le froid s’appliqua soudain sur mes épaules je me couvris précipitamment et me détournai quand c’était toi peut-être et la plus chaude que tu pouvais te rendre, espérant être bien accueillie ; toi, si lucide, tu ne pouvais plus t’exprimer autrement. Qui sait si en ce moment même, tu n’attends pas, anxieuse, que je comprenne enfin, et que je vienne, loin de la vie où tu n’es plus, me joindre à toi, pauvrement, pauvrement certes, sans moyens mais nous deux encore, nous deux…” Henri Michaux

Violette Nozière

« Violette rêvait de bains de lait

De belles robes de pain frais

De belles robes de sang pur

Un jour il n’y aura plus de pères

Dans les jardins de la jeunesse

Il y aura des inconnus

Tous les inconnus

Les hommes pour lesquels on est toujours neuve

Et la première

Les hommes pour lesquels on échappe à soi-même

Les hommes pour lesquels on n’est la fille de personne

Violette a rêvé de défaire

A défait L’affreux nœud de serpents des liens du sang »

Paul Eluard

[D’autres extraits de poèmes d’autres auteurs , au sujet de Violette ICI ]

Violette Nozière,1932,(Violette posait régulièrement nuepour des photographes ou pour des soirées intimes.) Archives Gérard Oriol

Gérard Oriol -Violette Nozière,1932,(Violette posait régulièrement nue pour des photographes ou pour des soirées intimes.) Archives Gérard Oriol

«Elle naît le 11 janvier 1915 à Neuvy Sur Loire. Son père, Jean-Baptiste Nozière est mécanicien au P .L.M. (Chemins de fer Paris-Lyon-Méditérranée). Enfance heureuse et sans histoire pour Violette. Jean-Baptiste et Germaine (sa mère) sont des ouvriers aisés, qui, au dire des proches entourent leur fille d’affection. A la fin de la guerre, ils s’installent à Paris, au 9 rue de Madagascar dans le 12ème arrondissement. « Ils donnaient l’apparence d’une famille unie et heureuse » dit le concierge de l’immeuble ; Violette grandit dans un petit deux pièces cuisine. Bonne élève à l’école primaire, elle passe brillamment le certificat d’études. Les parents sont fiers et disposés à la pousser vers des études supérieures.

Mais, à 13 ans, elle est déjà femme et paraît plus que son âge. Les garçons tournent autour d’elle, elle aime ça et, si les résultats scolaires sont bons au début de l’année, les choses vont se détériorer. Violette cache ses absences à ses parents, qui les apprennent par le lycée. On évoque sa mauvaise conduite. Elle a des aventures sans lendemain, tant et si bien que ses parents vont accéder à sa demande de changer d’établissement. Nouvelle adresse : le lycée Fénelon, au quartier latin, là où elle fait connaissance avec une vie qui la change de l’appartement et de la médiocrité de la rue de Madagascar.

Elle rencontre des étudiants, des photographes pour revues pornographiques…. Elle pose nue. Elle passe son temps dans les cafés du quartier latin : Palais du café, les quat’z Arts … Se sentant mal à l’aise dans son milieu familial, elle s’invente une vie bourgeoise où le père est ingénieur et où la mère travaille chez le célèbre couturier Paquin. La double vie s’installe.

Anonyme -Violette Nozière lors d'une soirée intime pour la fête de Noël , collection Romi.

Anonyme -Violette Nozière lors d’une soirée intime pour la fête de Noël , collection Romi.

Son amie intime avec laquelle elle fait la « fête » s’appelle : Madeleine Debize  (Maddy). Elle est la fille de voisins de quartier. Celle-ci l’entraîne et l’accompagne dans sa recherche du plaisir. Elle sont complices dans leurs amours, mais aussi dans les vols (boutiques, librairies, qui font rêver Violette…) (Cette Madeleine Debize  qui dira lors de son procès que Violette était au bal avec elle le soir du crime.) Il faut de l’argent pour « paraître » et pour entretenir les copains, et surtout : Jean Dabin l’amant de cœur. L’argent, elle le prend, soit dans le porte-monnaie de ses parents, soit elle le reçoit des hommes qu’elle rencontre sur la rive droite.

Ses parents ouvrent des lettres, s’étonnent des tenues élégantes qu’elle porte, mais ne veulent pas ou ne voient pas la vérité. Au fond, ils l’admirent. Il y a trop de différence entre leur vie et la sienne.

Deux éléments doivent être pris en compte dans la vie de Violette Nozière : Le premier : sa santé. Elle a toujours été fragile. De plus après un examen à l’hôpital Bichat, le docteur Dérion parle d’une « maladie spécifique » (la syphilis) dont elle serait atteinte (IN magazine « Drames, sept.1933 : La vérité sur le crime de Violette Nozière). Le médecin en parle à sa famille. Elle est soignée par lui, ce qui explique pourquoi ses parents ne se sont pas méfiés quand elle leur a fait avaler le « Soménal », prescrit soi-disant par le docteur Dérion. Le second élément qui ne sera jamais élucidé : l’inceste.

Violette a dit souvent à ses amis que son père la violait depuis l’âge de 12 ans. Elle parlera au procès de sa première tentative de suicide : « Ce jour-là, j’éprouvais un dégoût insurmontable de l’inconduite de mon père à mon égard ». Elle laisse une lettre à ses parents affolés qui la recherchent et la retrouvent le long des quais à 22h. (« La France » 15sept.1933). Elle parlera aussi à un ancien amant : Pierre Camus : « Tu sais, il oublie parfois que je suis sa fille. »

Le 21 août 1933, elle fait avaler à ses parents une potion recommandée par le docteur Dérion. Violette s’en va après avoir vérifié qu’ils ne bougeaient plus. « A une heure du matin, Violette rentre du bal. Elle frappe à la porte du voisin de palier : « Venez vite, ça sent le gaz, j’ai peur. Il a dû arriver quelque chose à mes parents ». Le voisin, M. Mayeul, ferme les robinets de gaz, il entre dans la chambre : « Mme Nozière git sur le lit ensanglanté. Sur le lit de Violette, git son père inanimé » (Police magazine 3 sept.1933 « empoisonneuse »). La police arrive. Mme Nozière respire encore, son mari est mort. Au début, les policiers pensent à un suicide. Mais devant l’absence d’émotion de Violette, ils restent dubitatifs.

Le lendemain, à l’hôpital, Mme Nozière dit au commissaire Gueudet  qu’elle ne se souvient de rien, sinon d’avoir avalé des sachets de poudre blanche donnés par le médecin qui soignait leur fille (« celui de Violette était marqué d’une croix au crayon » dit-elle). Le commissaire convoque Violette pour le lendemain cinq heures. Elle ne vient pas. Un mandat d’arrêt est délivré par le parquet de la Seine. Le brigadier, Gripois enquête auprès de ses amis du quartier latin. Elle leur a paru normale, même gaie. On l’a vue chez un coiffeur, une manucure…elle « drague » un jeune homme : André de Pinguet à qui elle donne un nom d’emprunt, mais, il la reconnaît : « Vous ressemblez étonnamment à cette criminelle qu’on recherche » Elle lui parle d’un héritage qu’elle doit faire (165.000 francs à sa majorité). « Çà sera la bonne vie » lui dit-elle. Doutant de plus en plus, Pinguet la dénonce. Au prochain rendez-vous, près de la Tour Eiffel, la police est là. Elle a 18 ans.

le 11 octobre 1934, s’ouvre son procès ,  devant les assises de la Seine. Violette est condamnée à la peine de mort. Les femmes n’étant plus guillotinées, la peine sera commuée en 20 ans de travaux forcés.

Le 6 août 1942, le maréchal Pétain accorde une remise de peine à Violette, celle-ci est ramenée à 12 ans de réclusion. Au mois de décembre 1945, elle épouse Pierre Garnier à Neuvy sur Loire en présence de sa mère. Entre temps, le Général de Gaulle avait annulé la peine de vingt ans d’interdiction de séjour. Germaine Nozière vit avec eux. Ils ont cinq enfants ; le bonheur est enfin au rendez-vous pour Violette ; Il sera de courte durée : Pierre meurt en 1960.

Le 18 mars 1963,  la cour de Rouen prononce sa réhabilitation. C’est une mesure exceptionnelle sur le plan judiciaire. Violette meurt en 1966. Elle a 51 ans

Le « mythe » Violette Nozière

Anonyme. Violette Nozière, Noël, 1932 ( vente Drouot )

Anonyme. Violette Nozière, Noël, 1932 ( vente Drouot )

Il est né avant la condamnation. Dès le crime connu, la presse s’est emparée de l’affaire, au point de faire passer en second plan une situation nationale et internationale plutôt violente : La montée progressive du nazisme, les morts de Paul Doumer, d’Alexandre de Yougoslavie, de L. Barthou. La situation politique intérieure avec l’affrontement entre l’extrême droite et les « anarchistes », les problèmes économiques et sociaux. L’instruction du procès de Violette Nozière fait toujours la « une ». Les « surréalistes » trouvent dans ce crime l’occasion de fustiger cette société bourgeoise qui vit dans le conformisme et l’étroitesse d’esprit. Violette incarne cette révolte, pour eux, elle est une victime.

En octobre 1933 : Dans « la « revue anarchiste » sous le nom de Bardamu , Louis-Ferdinand Céline écrit : « Au demeurant, de quoi se plaint-on ?…Nozière est sous terre et Violette est en taule…Deux victimes du milieu social, et l’on danse autour : « la danse macabre. ».  Céline dira aussi que l’exiguïté des logements citadins favorise la fornication et l’inceste. En novembre 1933, la même revue écrit : « L’inceste est un mot dont on s’effraie, c’est une pratique courante, j’admire les cheminots qui ne croient pas Nozière capable d’avoir troussé sa fille parce qu’il était un bon mécanicien. »

Anonyme -Violette Nozière lors d'une soirée intime pour la fête de Noël, collection Romi

Anonyme -Violette Nozière lors d’une soirée intime pour la fête de Noël, collection Romi

Le 1er décembre 1933, les surréalistes montent au créneau.

André Breton, René Char, Paul Eluard, Maurice Henry, Salvador Dali, Max Ernst, Magritte….poètes et peintres mélangés éditent une plaquette en faveur de Violette, intitulée « Violette Nozière ».  Ce recueil est édité en Belgique pour éviter les poursuites. On retrouve la même sympathie pour Violette que celle qu’ils avaient éprouvée pour les sœurs « Papin » (qui avaient un peu avant, massacré leur patronne.).

[ Vous pouvez trouvez un   Article très intéressant  sur André Breton et le grand fait divers, ICI, sur le site melusine- surrealisme.fr, écrit par Henri Béhar.].

Ils n’oublient pas que le jury est composé d’hommes et que le sujet de l’inceste est un sujet tabou dans cette société où le « mâle » est roi. L’accusation d’inceste envers son père. « Elle a touché là à un problème crucial » (Préface de José Pierre – 11 sept 1991, lors de la re-édition de la plaquette).»  Texte de  Simone Zoummeroff

« Cette affaire judiciaire restée fameuse affiche d’emblée le visage de l’intemporel et du mythe. Que ce soit sous la plume de Guy Rosey, évoquant « le bras d’Œdipe toujours vert le long des siècles », d’André Breton, disant de Violette Nozière qu’elle est « mythologique jusqu’au bout des ongles », ou de Paul Eluard, dans le fameux décasyllabe qui clôt son poème sur « l’affreux nœud de serpent des liens du sang », en référence aux Choéphores d’Eschyle, le recueil que les surréalistes ont consacré à Violette Nozière souligne la densité symbolique de l’affaire

À cet égard, la parole des artistes rejoint le discours des journalistes qui ont déroulé, d’article en article, les actes d’une tragédie familiale placée sous les auspices d’Eschyle et de Sophocle. C’est que dans cette affaire judiciaire se trouvent noués le parricide et l’inceste, soit la transgression de deux tabous fondamentaux, étroitement liés l’un à l’autre, qui fondent la filiation et le lien social, conformément aux analyses célèbres de Freud. »  by Anne-Emmanuelle Demartini Revue d’histoire moderne et contemporaine 2009/4 (n° 56-4) Éditeur Belin

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Le 19 JUILLET 2015 AJOUT à l’attention de DANTEBEA

ET UNE FOIS DE PLUS! LA VISITE DE LA BLOGUEUSE QUI ENNUIE BON NOMBRE DE PERSONNES ICI Sur Tumblr Sur Facebook ET QUI CLIQUE SUR MES HYPERS LIENS ET QUI PENSE QUE JE NE SAIS PAS D’OÙ ELLE SE CONNECTE  ( si je sais , la planisphère , en bas me sert à cela) ET QUI PILLE TOUT  ET JE RETROUVE MES ARTICLES SUR SES BLOGS, AVEC DE SURCROÎT DES INFORMATIONS ERRONÉES COMME À SON HABITUDE. je cite  »  Violette Nozières [sic]. Bruxelles, Éditions Nicolas Flamel, [1933] », même pas foutu de lire le texte en dessous qui précise  Tampon Archive Oriol ( pour TA gouverne, c’est un photographe!!!!)   Un livre publié en 1933 ne signifie pas qu’une photographie a été prise en 1933, surtout quand les articles de presses postés ici, où les photos vendues chez drouot sont authentifiées en 1932, et que de surcroit, son procès commence mi 1933 !!!! 

Je collerais son hyper lien qu’elle m’a piqué ( pour une fois qu’elle en met un! Mettons un cierge!)/ enfin c’est moi qui le lui ai fourni, mais çà elle s’en contre fout. C’est absolument pathétique.

Arrête de m’emmerder vraiment la béatrice sortie de Danté et qui se prend pour l’héroïne du livre, (c’est Digne d’une étude de cas de Freud!).

Je te réserve un article: Avec toutes les âneries que tu écris et tous les blogs que tu voles,  pilles. Tu vois Tu me suis à la trace. Je vais te démontrer que tu es bien loin derrière moi, et que ta culture est nulle.( je viens dejà de le faire rien qu’avec cela).  je montrerai  tes excuses bidons sur les blogs que tu voles. Revisites bien tes articles,  car tu as volé des blogs ( KIKI, Rodin, Lee Miller) revisites tes archives OUI !!!! et je vais le démontrer. Je vais poster comment tu m’insultais sur une page publique et comment tu vas pleurer chez des blogs que je préviens que tu pilles en disant que c’est moi qui t’insulte ( moi je ne fais que me défendre face à une malade). Je vais te faire lire les mails de personnes qui m’écrivent et que tu persécutes,  des mails provenant de personnes sur fb et tumblr, où je ne vais même plus car je ne peux pas bouger le petit doigt sans que tu copies lamentablement. Tu cesseras de nous emmerder et crois moi cela va arriver plus vite que tu ne crois, nous seront enfin débarrassé de toi.

http://www.bibliorare.com/products/noziere-violette-nozieres-sic-bruxelles-editions-nicolas-flamel

Ira Bordo/Octavio Paz

les fleuves de ton corps
pays de battements
entrer en toi
pays d’yeux clos
eau sans pensées
entrer en moi
à l’orée de ton corps
pays de miroirs en éveil
pays d’eau qui veille
dans la nuit endormie
je me regarde en ce que je vois
comme entrer par mes yeux
dans un oeil plus limpide
tout ce que je vois me regarde
deltas des bras du désir
sur une couche de vertiges
la transparence est tout ce qui demeure

Octavio Paz -Blanc

Ira Bordo

Ira Bordo

 

Lucien Clergue – Corps Mémorable – Paul Eluard Pablo Picasso, & Jean Cocteau Seghers 1957

Orné d’une couverture par Pablo Picasso, Corps mémorable, publié chez Seghers en 1957, réunit douze nus féminins de Lucien Clergue illustrant des poèmes de Paul Éluard. Le poème liminaire de Cocteau, À Clergue pour ses nus, écrit en novembre 1956 à Villefranche, a été adressé à celui que le poète appelle désormais son « cher coq d’Arles ».

Plusieurs rééditions existent aujourd »hui qui n’ont plus rien à voir avec l’original, qui ne comprenait que 12 photos. Vous pouvez trouver ce livre pour 30euros Editions Pierre Seghers, Paris, 1996. Troisième édition, Clergue. 65 pp. par exemple.

 

Lucien Clergue - Corps Mémorable - Paul Eluard Pablo Picasso, & Jean Cocteau Seghers 1957

Lucien Clergue – Corps Mémorable – Paul Eluard Pablo Picasso, & Jean Cocteau Seghers 1957

Lucien Clergue - Corps Mémorable - Paul Eluard Pablo Picasso, & Jean Cocteau Seghers 1957

Lucien Clergue – Corps Mémorable – Paul Eluard Pablo Picasso, & Jean Cocteau Seghers 1957

Lucien Clergue - Corps Mémorable - Paul Eluard Pablo Picasso, & Jean Cocteau Seghers 1957

Lucien Clergue – Corps Mémorable – Paul Eluard Pablo Picasso, & Jean Cocteau Seghers 1957

Lucien Clergue - Corps Mémorable - Paul Eluard Pablo Picasso, & Jean Cocteau Seghers 1957

Lucien Clergue – Corps Mémorable – Paul Eluard Pablo Picasso, & Jean Cocteau Seghers 1957

Corps Mémorable - Paul ELUARD Lucien CLERGUE Pablo PICASSO Seghers 1957

Lucien Clergue – Corps Mémorable – Paul Eluard Pablo Picasso, & Jean Cocteau Seghers 1957

Lucien Clergue - Corps Mémorable - Paul Eluard Pablo Picasso, & Jean Cocteau Seghers 1957

Lucien Clergue – Corps Mémorable – Paul Eluard Pablo Picasso, & Jean Cocteau Seghers 1957

Lucien Clergue - Corps Mémorable - Paul Eluard Pablo Picasso, & Jean Cocteau Seghers 1957

Lucien Clergue – Corps Mémorable – Paul Eluard Pablo Picasso, & Jean Cocteau Seghers 1957

Lucien Clergue - Corps Mémorable - Paul Eluard Pablo Picasso, & Jean Cocteau Seghers 1957

Lucien Clergue – Corps Mémorable – Paul Eluard Pablo Picasso, & Jean Cocteau Seghers 1957

Lucien Clergue - Corps Mémorable - Paul Eluard Pablo Picasso, & Jean Cocteau Seghers 1957

Lucien Clergue – Corps Mémorable – Paul Eluard Pablo Picasso, & Jean Cocteau Seghers 1957

“Rien ne ressemble davantage à quelque paysage de chair et d’écume, terrible et délicieux »

Lucien Clergue – Nu de la mer, 1959. & Jean Cocteau , “Rien ne ressemble davantage à quelque paysage de chair et d’écume, terrible et délicieux », La Naissance de Vénus 1959 dédicacé à Lucien Clergue. ( photographie de  Lucien Clergue – in Corps Mémorable – Seghers 1957, dedicacéé par Cocteau)

Johanna Knauer/Sylvia Plath

Sylvia Plath « Lettre d’amour »

« Pas facile de formuler ce que tu as changé pour moi.
Si je suis en vie maintenant, j’étais alors morte,
Bien que, comme une pierre, sans que cela ne m’inquiète,
Et je restais là sans bouger selon mon habitude.
Tu ne m’as pas simplement une peu poussée du pied, non-
Ni même laissé régler mon petit oeil nu
A nouveau vers le ciel, sans espoir, évidemment,
De pouvoir appréhender le bleu, ou les étoiles.

Ce n’était pas çà. Je dormais, disons : un serpent
Masqué parmi les roches noires telle une roche noire
Se trouvant au milieu du hiatus blanc de l’hiver –
Tout comme mes voisines, ne prenant aucun plaisir
A ce million de joues parfaitement ciselées
Qui se posaient à tout moment afin d’attendrir
Ma joue de basalte. Et elles se transformaient en larmes,
Anges versant des pleurs sur des natures sans relief,
Mais je n’étais pas convaincue. Ces larmes gelaient.
Chaque tête morte avait une visière de glace.
Et je continuais de dormir, repliée sur moi-même.
La première chose que j’ai vue n’était que de l’air
Et ces gouttes prisonnières qui montaient en rosée,
Limpides comme des esprits. Il y avait alentour
Beaucoup de pierres compactes et sans aucune expression.
Je ne savais pas du tout quoi penser de cela.
Je brillais, recouverte d’écailles de mica,
Me déroulais pour me déverser tel un fluide
Parmi les pattes d’oiseaux et les tiges des plantes.
Je ne m’y suis pas trompée. Je t’ai reconnu aussitôt.

L’arbre et la pierre scintillaient, ils n’avaient plus d’ombres.
Je me suis déployée, étincelante comme du verre.
J’ai commencé de bourgeonner tel un rameau de mars :
Un bras et puis une jambe, un bras et encore une jambe.
De la pierre au nuage, ainsi je me suis élevée.
Maintenant je ressemble à une sorte de dieu
Je flotte à travers l’air, mon âme pour vêtement,
Aussi pure qu’un pain de glace. C’est un don. »

Sylvia Plath

Johanna Knauer

Johanna Knauer

 

Marcel Mariën – Poèmes et lettres à Jacqueline Nonkels from De Marcel à Jacqueline

Jacqueline Nonkels rencontre Marcel Mariën chez Georgette et René Magritte avec qui elle sera amie tout au long de sa vie. Mariën quant à lui sera tout autant proche de Magrite, et ce n’est que tout logiquement ils font connaissance grâce au couple.La séduction exercée par la jeune fille sur le Benjamin du groupe surréaliste (il a 17 ans et elle en a 4 de plus), se traduisit aussitôt par une intense correspondance, où la délicatesse du soupirant le dispute à sa ferveur. Si la passion n’est pas réciproque, elle est féconde. Entre décembre 1937 et août 1938, le jeune prétendant adressa à la jeune femme trente-cinq lettres et cartes postales accompagnées de collages et poèmes. Ils comptent parmi les premiers d’une longue production d’oeuvres érotiques, pimentées d’humour, dont cet amour de jeunesse constitue en quelque sorte le creuset. La destinataire en était consciente, c’est pourquoi elle souhaita voir ces lettres publiées après sa mort, comme un hommage posthume à celui dont elle avait été la première muse (Marc Quaghebeur, Véronique Jago-Antoine, Les lettres du désir, AML, 2012.)

Certaine de ces planches sont conservée au Musée du parimoine Belge et elle son publiée dans  Jacqueline Nonkels « Magritte, Mariën, mes complicités » ed° La Fondation Roi Baudouin ,2008. Le souhait ultime de Jacqueline était « l’édition d’un recueil publiant la correspondance et les collages de Marcel Mariën ». Ces 35 lettres, collages et cartes postales lui ont été adressées par Marcel Mariën entre décembre 1937 et août 1938. Ils forment un témoignage inattendu et révélateur des débuts de l’un des artistes qui aura marqué le Surréalisme Belge.

Autre article sur Marcel Mariën Ici

René Magritte, Marcel Mariën, Jacqueline Nonkels , 1937-39

René et Georgette Magritte, Marcel Mariën, Jacqueline Nonkels , 1937-39 collection Jacqueline Nonkels Musée du parimoine Belge

Dans le repos fascinateur qui s’instaure dans le cercle grave des
vagues démises, dépliées, reléguées aux vieux et théâtraux accessoires de
bruiteurs, les bouches closes se rencontrent aux embouchures du sourire.
Mille lèvres folles, mille lèvres éprises, mille lèvres voilées, sur l’étagère
des baisers, font l’offrande de leur chair pure et polie, dans une prairie
pas toujours verte si l’on ferme les yeux, dans une nuit pas toujours sans
étoiles, si l’on en distille les fissures. L’alphabet de l’Amour, enseigné avec
les larmes, celles-ci vite effacées, vite taries dans le creux d’un cœur déteint,
puis les murmures d’orgueil sillonnent le désert des corps obscurs, où les
plis font volte-face à toute lumière, où les chevelures chaudes aplanissent
les remous, puis les mains à
à Jacqueline avec toutes mes pensées, les désirs de tendresse
M.
Marcel Mariën- Les touches du silence, poème sans paroles, 1937, collage, ( pour Jacqueline Nonkels his lover)Épilogue inachevable .
Trop de grappes rieuses pendent encore à la treille des visages,
trop de cieux, écarlates sans raison ; mais avant que s’illuminent de
paupières éteintes les torches du silence, avant que des lagunes d’air jouent
parmi les tulles et les soies, avant que les miracles encore à accomplir se
réalisent, les dernière épaves d’yeux enflammeront de toutes parts les
ténèbres, fenêtres mobiles d’un désert sans désirs, satellites inhabités de
leurs compagnes jumelles, les lèvres, qui à tout passant

Marcel Marien - Le parallelogrammes des forces, Décembre 1937A
P
R
L
Le Parallélogramme des Forces.
:- :- :- :- :- :- :- :- :- :- :- :- :- :- :
Quittant leur port d’attache P (Poésie) les droites A et L (Amour-
Liberté) divergent dans des directions inconnues d’elles-mêmes. C’est
leur pré-destin. Mais par la providence de l’unité, il les mène à épouser
leur ombre jumelle. Implicitement, la menace d’un coin n’obtempère
pas avec une telle désinvolture à la submersion des déserts. Il serait
cependant erroné de supposer un quelconque espace entre ces quatre
lignes murales- de pure et froide apparence – où nous avons incarcéré
l’infini. L’espace illimité est en dehors, maîtrisant sans efforts pénibles les
horizons déplaçables. C’est donc dans le centre mitoyen R, dans le Rêve ,
que s’installera la solution de l’impossible. Le parallélogramme des forces
devient de ce fait le parallélogramme des vies, le parallélogramme de la vie,
NOTRE VIE.
Marcel Mariën.
4 décembre 1937

Sans titre3

Ma chère Jacqueline,
Je m’en voudrais de voler ton cœur par effraction. Dans l’espace
passager qui nous désunit, il y a le relief de nos lèvres nues qui cherchent
leur emprise, cette éternité ; il y a les anfractuosités de ciel qui regrettent à
plein poumons la démence des miroirs profonds. Il y a également ce trépied
de feu où l’orage pose ses doigts séniles pour fourvoyer ses partenaires
absents. Ton œil adorable sous l’âme de laquelle j’évolue en losange, dirige
la feuille moite qui se déploie entre tes mains, dans le sens de l’horizon.
Ton œil n’échappe pas à l’infinité martyre et même pour escorter un rêve
ne la perd pas d’une semelle. La nuit traîne son remords de Barbarie sous
les toits du désert. Un œil par doigt et c’est à présent toute une perspective
de sourires aux becs de nuit explorant la voix des déroutes, leur domaine.
Vu de mes propres lèvres, ce qu’on appelle voir ; dans la rue, soudain prise
par les glaces de la peur. Je cherche une sérénité assez durable et forte pour
effacer le sommeil. L’encre ne coule plus à flots, des larmes sympathiques ;
il y a le dégel des plumes qui remue terre et ciel pour retrouver l’artère du
pavé. La larme, au bord du précipice du mouchoir, seule, à l’abandon,
rougit de se trouver nue sous le soleil braqué. Il reste encore de la place
pour toi et moi dans le compartiment des caresses aux portières de légèreté.
Le courroux s’appesantit vite dans les mares de relais. Ma mémoire, d’un
côté, transpercée de part en part de souvenirs cherche en tout endroit,
l’oubli salutaire du mensonge, le fertile diadème des rapprochements, toi,
de l’autre, dans le mystère qui te pare des rayons de la naufrageuse, tu
sers de pâture à l’épidémie d’aurores. Et la pluie de limbes qui perd ses
abris, découvre la foudre indispensable pour la récolte des rossignols et
l’interminable baiser qui attend au port le signal du définitif départ. Les
chercheurs de cœurs emportent dans leur voyage téméraire des sacs de
préoccupations et des provisions de déboires. Peu réussiront . En serai-je ?
Marcel Mariën
21 décembre 1937

Sans titre 1

1937
Chère Jacqueline,
Le monde s’amenuise à mesure qu’on en prend connaissance. La réalité est
tantôt noire tantôt blanche, tantôt les deux ensemble. Certains se complaisent dans des
domaines arides, où la privation tient lieu de bien-être. D’autres préfèrent – comme a dit
Nietzsche – « souffrir et mourir de soif dans le désert plutôt que de boire à la citerne en
compagnie des chameliers malpropres ». La morale – la seule – est conditionnée par une
désobéissance totale à toute loi établie. Mais cette désobéissance ne peut qu’aller de pair
avec une assez grande misère matérielle,une persécution interminable. La foi dans un
ordre nouveau corrobore cependant toute infériorité. J’espère avoir à l’avenir l’opportunité
de pénétrer à même vos pensées pour en épanouir les graines encore latentes. Je ne
sais de vos occupations, de vos préoccupations surtout, que peu de choses. Mais, peut-être
ne doit-il pas être si insurmontable, l’obstacle qui sépare deux êtres, à la recherche
d’une même lumière. Je n’ai vécu, jusqu’à ce jour et d’autres jours, que sous le faix d’une
constante oppression. Vous-même qui n’êtes sans doute pas à l’abri de toute restriction
de liberté, n’attendez qu’un signal, qu’un écho voisins ,mais assez clair pour reconnaître
dans cet écho, ce signal la précursion d’un bonheur accessible. Plus vous lirez, plus vous
vous frayerez un passage à travers un monde inconnu évoluant autour de l’esprit, plus
vous souffrirez de toute parcelle ravie à votre liberté, mais d’autant plus tenaces seront
vos désirs d’évasion, d’autant plus merveilleux le bris de la dernière entrave. Il ne m’est
pas permis, sans me précipiter dans des situations pires, d’agir selon mes voeux. Nos
efforts conjugués doivent réussir. J’ai tant de choses à vous dire, qu’un long silence n’a pu
être qu’un long aveu. Vous m’apparaissez de jour en jour sous la forme d’une nécessité
ineffaçable qui dans mes pas de ténèbres ne peut être que.la flamme du plus pur espoir.
J’ai besoin de souvent vous voir, mais comme hélas cela ne me sera matériellement très
malaisé, je vous demande de bien vouloir accepter par écrit ce contact. Trop rare.
Marcel Marïen
P.S. Pour dimanche prochain je viendrai à Bruxelles et espère vous trouver
au même endroit que précédemment vers 3 h.- 3 h.15. Si cela contrariait vos projets, en
vous servant de la carte-postale ci-incluse, vous serez assez gentille pour m’avertir de vos
dispositions.
Vous pouvez m’atteindre à la Poste Restante également, d’Anvers en spécifiant :
Place Verte.
Mes très sincères affections, en souhaitant la joie de vous rencontrer le plus
souvent possible.
M. M.

Sans titre 4

Chère Jacqueline,

Je ne sais comment m’adresser de la manière la plus
proportionnée à votre grâce évidente. Mon bonheur serait d’être très près
de vous en ce moment, de rendre nos pas inséparables, de conjuguer
nos mains. Qui que vous soyez vous êtes sur la terre, vous ne pouvez
donc totalement différer d’une certaine orientation vers le mystère, d’une
certaine recherche vers le sublime. Vos fréquentations surréalistes si elles
vous ont en partie conduit vers un point de vue d’où la liberté semble
vouloir apparaître, laissez moi tout de même vous aider à percevoir tout le
gigantesque panorama. A ce propos, pour autant que dans un avenir où
j’aurais la joie de plus fructueusement vous rencontrer, où je m’immiscerai
mieux dans le cercle de votre « moi », je tiens ici à mettre en avant quelques
points de repères modestes où abreuver votre pensée.
Le surréalisme – comme vous le savez – n’est pas comparable
à une activité littéraire, artistique quelconque. La volonté initiale, de
« transformer le monde » (Marx) de « changer la vie » (Rimbaud) qui
est la raison d’être prépondérante du surréalisme, a pour canalisation
d’autres voies qu’un jeu domestiqué, qu’un engouement passager ; il se
doit qu’en découle de fortes bases morales, à l’origine même du conflit
qui sépare le monde intérieur individuel (du moi) et le monde extérieur
collectif (du soi), qui oppose la vie et la mort, la veille et le rêve, l’action
et la passivité, la sensation et le sentiment. C’est par le retournement du
concept philosophique idéaliste par lequel la pensée conditionnait l’être ou
la matière, que l’on obtient dans le matérialisme moderne dialectique, la
matière, l’être social et ses dérivés économiques qui déterminent la pensée
et toutes ses formes de représentations, l’art, la philosophie, l’histoire, la
littérature, la poésie.
Le surréalisme qui cherche le mur mitoyen, la conciliation entre les
antagonismes précités,prend note de cette valeur nouvelle aux incalculables
conséquences, qu’instaure le matérialisme marxiste sous l’égide de Karl
Marx et son camarade Frédéric Engels, édifiant leur doctrine d’après les
méthodes préexistantes de Ludwig Feuerbach et avec plus de modifications,
celles de Hegel, tous philosophes allemands du XIXème siècle. L’étude de
Marx et Engels sur l’interprétation du monde se rapporte principalement
à l’évolution de celui-ci selon des lois économiques liées aux conditions
d’existence de l’homme, à ses besoins affectifs ( plus tard au XXème
siècle développés et considérés comme capitaux par Freud, créateur de
la psychanalyse), à la situation géographique de l’homme et aux moyens
auxquels il a recours pour vivre, pour produire ce qu’il nécessite; ainsi se

précise au cours des siècles, par le principe du mouvement, une série de
faits successifs, reliés entre eux sous le nom d’histoire et qui englobe toute
culture, toute civilisation, toute vie sociale, rigoureusement et a priori
déterminées. C’est également un principe certifié que toute rénovation
sociale ou culturelle apporte avec elle, en plus des progrès qu’elle
introduit, des chaînes qui deviendront de plus en plus lourdes, de plus
en plus intolérables et qui se briseront lorsque la révolution nouvelle sera
mûrie dans l’oppression antérieure elle-même. Il s’en suit une constante
fluctuation des lois qui régissent la collectivité; philosophiquement
aussi les idées du bien et du mal sont impérissables tant que le bien
ne sera pas admis comme synonyme de vrai. Le surréalisme, aidé de la
conception matérialiste du monde et situé au confluent du conscient et
de l’inconscient, continue dans l’empire de l’esprit ce que le marxisme a
édifié dans le monde historique et social, mais sans, loin de là, abandonner
l’idée de la transformation extérieure du monde. Or, c’est parce que cette
transformation ne peut s’effectuer sans un bouleversement primordial de
l’individu, c’est parce que les chaînes des classes sociales ne peuvent être
définitivement écartées sans que le soient d’abord les chaînes du monde
mental, discipliné par la raison, par la censure, mise en lumière par la
doctrine psychanalytique, sur laquelle suit ce exposé, que le surréalisme se
situent électivement à l’intersection de Marx et de Freud.
Il est un ensemble d’événements de notre vie qui peuvent
être vérifiés par la mémoire, nous pouvons plus ou moins aisément en
découvrir les causes, en supporter les suites, cette partie de notre activité,
nous l’appellerons, le monde conscient. Par contre un singulier nombre
de faits, échappe à notre raison directe, nous n’en découvrons point de
causalité logique, comment expliquer même que Baudelaire avant de
mourir disait « ouvrir » pour « entrer » et vice-versa, ou certains oublis,
toutes ces choses qu’on les appelle : erreurs, folies, manies, maladies, tics,
appartiennent à un monde encore à peine exploré, le monde inconscient.
Le lien intermédiaire entre ces deux oppositions, le passage de l’un à
l’autre, est généralement appelé : subconscient . La psychanalyse, en
temps que science n’est rien d’autre qu’un moyen, qu’une méthode, qu’un
système pour interpréter l’inconscient, l’analyser, le mettre à la lueur du
conscient. En temps que manifestation humaine, c’est évidemment passer
de l’inconscient au conscient qui en forme le principal mobile. L’inconscient
a pour principe fondamental que tout y est rigoureusement déterminé.
Toute vie est ainsi soumise à une succession de forces sur lesquelles elle
croit agir par ce qu’elle nomme sa volonté, mais qui n’est au fond qu’une
réalisation d’autres volontés indépendantes, liées à la matière et à ses
désirs. Or, il est des lois majeures, des principes indéniables qui font

agir cet inconscient d’une façon toujours assez répétée, identique. Par ex.
l’instinct de nutrition, apparenté à l’instinct sexuel. La nécessité naturelle
qui pousse l’homme à se nourrir pour apaiser sa faim, trouve une impulsion
analogue dans l’univers sexuel où faute de terme existant, la faim, le désir
sexuel a été appelé « libido ». Mais là où la faim de nutrition est impérieuse
et n’admets qu’un faible délai, aux dépens de la complexion physique
de l’homme, la libido, elle, au cours de la succession formidable des
siècles, par l’inassouvissement graduel de l’appétit sexuel, la continence,
l’ascétisme, a été peu a peu refoulée dans le monde inconscient, au point
qu’au lieu d’être directement satisfaits, nos désirs sont refoulés aux dépens,
non cette fois-ci de notre constitution (encore que toutes maladies relèvent
en grande partie de l’inconscient) mais de notre vie psychique, en un
seul mot de notre bonheur, ou avec moins d’optimisme, de nos chances
de bonheur. La psychanalyse s’ingénie donc à découvrir les traces de
désirs refoulés, à les dévoiler, les analyser, à guérir par leur mise à jour,
nombre de maladies de toutes espèces, mais trop confinée dans la science
particularisée, elle a négligé jusqu’à présent, l’ensemble social, concret de
l’humanité et l’incontestable valeur poétique et libératrice du rêve. C’est là,
qu’interviennent les surréalistes en préconisant, dans toutes leurs formes
bouleversantes de nudité, le déchaînement illimité des désirs, auquel ils
s’appliquent dans toues les branches de l’effort de connaissance humaine
à donner une réalité. La surréalité, c’est-à-dire la nouvelle réalité comprise
entre la réalité pure et le rêve, est donc le passage, non seulement, du rêve,
de l’inconscient à leur épanouissement réel, conscient, mais aussi celui
des choses réelles dans leur état irréel, surréel, auquel aident l’humour,
le hasard, la vie amoureuse, l’inspiration automatique, etc…Mais tout cela
s’enchevêtrent et se démêlent avec tant de consistance que j’ai grand peur
d’avoir omis tant de points capitaux. Il faut m’en excuser, j’espère d’ailleurs,
si cela vous convient, vous écrire d’autres précisions prochainement. Ne
veuillez pas, je vous prie, juger de ceci comme une ambition de professeur,
mais comme une légère lettre d’ami, qui veut vous permettre, dans la
mesure de ses moyens, de voir clair en vous-même et libérer votre vie, par
les voies les moins confuses et les plus aisées possibles.
Je m’arrête ici, et voue, – à celle dont j’ai déjà eu par une fois,
mais dans des circonstances assez floues, l’inexprimable joie que me valut
le contact de ses lèvres -, un baiser passionné et regrettablement distant,
d’une admiration trop pure pour l’effaroucher en quoi que ce soit.
Votre ami affectueux
Marcel Mariën
8-9/1/388

Sans titre 5Sans titre 6

Il y avait, celée dans les engrenages secrets d’une nuit régente
une forêt toute de paix et de silence, qui servait de refuge à des écureuils
d’eau claire, qu’une connaissance égarée des abîmes, jointe à l’incessante
sollicitude des orgueils manutentionnaires broutant l’herbe tendre du vent,
avait conduit à l’instauration de leur sobre plénitude dans cette forêt dont
je parle et dont je n’achèverai pas de si tôt le dénombrement de ses arbres
rompus par le vagabondage des confidences, si j’en augure à l’horloge des
heures torrentielles, où l’on ne peut – sans percevoir étouffé mais distinct, le
passé qui se ravise dans le gîte de l’âme – entendre gémir la minuit, parmi
le clapotis des larmes.
Cette résidence de désirs confus, cette forêt de forêts n’était ni
vaste ni petite, ni large ni exiguë, ni même moyenne quoique l’on puisse
dire. Elle détruisait ses proportions à mesure qu’on les établissait. Or, rien
n’est plus irréel qu’une forêt n’aurait-elle même pour toute enceinte que
les cloisons de cette feuille, alliée bien entendu aux champs fraîchement
labourés de mon cerveau, tout effort déduit. C’est la suprême excuse à
l’infraction des lois, que de considérer les lisières de la forêt, par excellence
celle qui nous préoccupe, forêt interdite entre toutes par raison qualitative,
où se constate l’indiscipline souterraine des racines du bois. De même il
n’est pas tellement abusif de prétendre que cette feuille, modestement
plantée en terre ferme, soit incapable de germer. On a bien vu des oiseaux
s’emparer grain après grain du ciel pour le déménager on ne sait où, sans
aviser quiconque de cette performance à imiter.
Pour la forêt cependant – il est difficile même en prenant la voie
des cieux, de se débarrasser aussi aisément d’une forêt – je sais encore
que tôt dans l’espace sans temps ; ce dernier avait depuis peu prononcé
formellement son abdication ; je sais encore, dis-je, qu’à travers les taches
de firmament qui maculaient la sérénité uniforme et noire comme le plus
pur charbon, de la voûte soutenue par l’amabilité des arbres, des étoiles
rôdaient, clignant parfois de l’œil ou sinon projetant des mots vifs de
leurs lèvres simiesques, qui tombaient alors sur la mousse épilée, qui les
renvoyait comme balle. Chose vraiment curieuse, au lieu de diminuer leur
force d’élasticité en répétant leurs bonds, ces mots, ces balles restaient se
mouvoir ainsi à une respectueuse distance de deux ou trois mètres entre
leur point de redescente et le sol. Depuis l’incommensurable héritage des
années, il va de soi que ces paroles croissantes en quantité, aux prises
avec l’exacte compréhension des phénomènes, ( le parler des étoiles étant
toutefois inné aux poètes) ne laissaient d’autres traces que la confusion
totale de milliers de bruits, faisant régner sur le silence des débuts, une
tutelle lourde et incurvée, le cœur restant de toute cette nuée de murmures,
le seul écouteur intelligent, la seule oreille précise, l’oreille même qui dirige

la caravane du sang.
L’œilse perdra dans les taillis ; les branches qui ne s’écarteront
pas assez vite le déchireront en lambeaux, en éclaboussant un peu partout
des parcelles du regard.
Les lèvres, à elles-deux s’accoupleront pour enfanter un baiser qui
sera mis au monde avec un tel soin de mystère que nul hasard ne le fera
découvrir.
Les seins perdront la tête comme toujours lorsque des mains s’en
approchent à courte distance. Elles garderont leurs, l’oppression délicieuse
de mes caresses. Il y a des outrages qu’il faut accomplir dans une impasse ;
là seul le manque bouleversant d’apprêts décidera de l’orientation
nécessaire que surveillera l’amour aux bracelets de titan.
Aussi, je puis déjà te dire, que tu seras aimée, tel sera le paysage
indicible de la surréalité que tu conquéras pour y mener boire l’arène de
tes joues et de tes jours, tel sera de tout ton corps en feu inconsummable,
l’inexprimable joie, l’inexprimable tiédeur de ta joie, l’Amour.
Marcel Mariën
30 janvier 1938

Sans titre 7

Sans titre8

Sans titre9

Le 8 février 1938
Ma très chère Jacqueline,
Vous me permettrez, si cela ne vous lasse pas trop, de reprendre
ici quelques paragraphes consacrés à l’acheminement du surréalisme, sur
lequel je vous ai déjà offert un préambule assez éprouvé et dont j’espère
croire qu’il ne vous aura pas tellement déplu. Vous excuserez d’éventuelles
répétitions, je n’ai pas en effet garder un très précis souvenir de cette
lettre à laquelle je me rapporte, mais je pense vous avoir seulement
entretenu « grosso modo » des parallèles entre le surréalisme et le
matérialisme marxiste, ainsi que quelques élémentaires considérations
sur la psychanalyse. Je tâcherai de me rendre aussi compréhensif
que possible dans l’exposé qui va suivre et dans lequel j’engloberai
le surréalisme proprement dit. Le mot lui-même « surréalisme » a été
emprunté à Guillaume Apollinaire, mort pendant la guerre, qui l’avait
utilisé comme qualification d’une de ses pièces, notamment « Les
mamelles de Tirésias » ; ce mot n’avait cependant dans les intentions
d’Apollinaire qu’un très fuyant rapport avec celui qu’André Breton et
Philippe Soupault firent valoir comme la désignation d’un moyen suprême
d’inspiration dirigée, expérimenté dans ce sens pour la toute première
fois par eux, dans un recueil intitulé « Les champs magnétiques » et paru
en 1921. Ce n’était pas toutefois, la seule exploration vers cette muraille
de brouillard qui s’interpose entre la pensée et l’expression de celle-ci,
puisque de rares mais suffisants devanciers l’illuminaient de leur nom,
pour la plupart, enfouis dans les ténèbres de l’histoire, les uns méconnus,
les autres calomniés, quand ils n’étaient pas avilis d’éloges, faits dans
l’espoir sournois de les détruire. Parmi eux, Gérard de Nerval, écrivait
aux alentours de la première moitié du XIXè siècle ces phrases , dans
lesquelles se prévoit toute l’essence future du surréalisme : « C’est ainsi
que je m’encourageais à une audacieuse tentative. Je résolus de fixer le
rêve et d’en connaître le secret.
– Pourquoi, me dis-je, ne point enfin forcer ces portes mystiques,
armé de toute ma volonté, et dominer mes sensations au lieu de les
subir ? N’est-il pas possible de dompter cette chimère attrayante et
redoutable, d’imposer une règle à ces esprits des nuits qui se jouent de
notre raison ? Le sommeil occupe le tiers de notre vie. Il est la consolation
des peines de nos journées ou la peine de leurs plaisirs ; mais je n’ai
jamais éprouvé que le mien fut un repos. Après un engourdissement de
quelques minutes, une vie nouvelle commence, affranchie des conditions
du temps et de l’espace et pareille sans doute à celle qui nous attend

après la mort. Qui sait s’il n’existe pas un lien entre ces deux existences et
s’il n’est pas possible à l’âme de le nouer dès à présent ?
Dès ce moment, je m’appliquai à chercher le sens de mes rêves,
et cette inquiétude influa sur mes réflexions de l’état de veille. Je crus
comprendre qu’il existait entre le monde externe et le monde interne
un lien ; que l’inattention ou le désordre d’esprit poussaient seuls les
rapports apparents, – et qu’ainsi s’expliquait la bizarrerie de certains
tableaux, semblables à ces reflets grimaçants d’objets réels qui s’agitent
sur l’eau troublée » Ce lien qui n’est autre que la surréalité omniexistante,
pousse plus de cent années après Nerval, Breton à écrire, ces paroles
si fréquemment citées : « Tout porte à croire qu’il existe un certain point
de l’esprit d’où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le
futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas cessent
d’être perçus contradictoirement. Or, c’est en vain qu’on chercherait à
l’activité surréaliste un autre mobile que l’espoir de détermination de ce
point. On voit assez par là combien il serait absurde de lui prêter un sens
uniquement destructeur, ou constructeur : le point dont il est question est
‘ a fortiori’ celui ou la construction et la destruction cessent de pouvoir
être Grandie, l’une contre l’autre… »
Et plus haut, Nerval en traitant de ce lien « merveilleux » ne
nous mène-t-il pas déjà très clairement au cœur du dépaysement ? De ce
dépaysement, cette volonté de dépaysement comme il a été dit, qui anime
l’œuvresurréaliste de tous ces temps est par excellence celle dont nous
sommes les contemporains, ce dépaysement qui est le seul effort valable
et qui se manifeste tant par des actes que des poèmes, tant par des
paroles que par des tableaux, tant par des gestes que par des silences,
tant par des sourires que par des larmes. En un mot par la Poésie ,
résidence de notre vie.
III
Je continuerai ailleurs la suite sans fin
…………………………………………..
Je vous remets ci-joint un petit livre sur Picasso et la nouvelle
que je viendrai samedi soir chez Magritte où j’espère ardemment vous
rencontrer.
Pour vous, le meilleur de mes pensées.
Marcel Mariën

Sans titre 10Des yeux purs dans un bois
Cherchent en pleurant la tête habitable
(René Char)
De toutes les fontaines sinueuses qui s’ouvrent nuit comme jour
sous le printemps inaperçu, l’eau chevrotante flâne seule dans les soifs
tortueuses. L’éclair noir trace des chenilles muettes dans l’horizon des
fenêtres. Les accomplissements de joie sont proches. Les rires gambadent
dans le gris, teinté d’émotion. On amène l’étoile en liberté de descente.
C’est la pluie moissonneuse qui sépare en portions de soins la route
indigente des exils de pierre. Les pleurs ferment l’astre des chevelures,
tapi dans l’ombre de l’ombre. Les pas retrouvent la main du maître qui les
caresse, souples, sous l’étoffe de l’abandon, jaillissant sans fin des baisers
d’apprêt, des fruits éprouvés, des terres émaciées par les oiseaux du zénith.
On écoute alors le beau silence en délire qui plie les rumeurs
entre ses doigts de plume. Flocons de gratitude qui descellez les bouquets
de ruelles entre les misères aux fanes perpétuelles, couvrez les moisissures
de vos tristesses confiantes, secouez nettement jusqu’à faire naître dans
les soucis de bouleaux la rade geôlière, les épis lourds du vent, malheur
confidentiel.
J’hésite à tremper le sol d’accrocs dans la mer verbeuse. Qu’au
moins une paupière souffreteuse tache de ses réserves la page mille fois
offerte à la saison compatible.
Charmante main, ne détournez point le regard aigu du nuage
versant d’aplomb ses attirances de douceur sur une table coquettement
mise pour recevoir affamés les tremblements du feu. Charmantes lèvres,
il y a dans un pays vaste comme une douleur, des compagnes solitaires
qui cherchent à contagier leur folie dans la foudre prête à tout, qui
brandissant ses évasions fugaces, vient de trouver sans mon coeur un
palais , aux mille colonnes de flammes, où se réfugient depuis votre venue,
l’incommensurable ciel forestier et la hache des équinoxes.

Sans titre– A quoi penses-tu ?
– A rien.
(Breton-Eluard, L’Immaculée Conception)
A Jacqueline,
Rétrospective
Le cercle des adieux se resserre. Le ciel n’est plus autre chose
qu’un cil qui veille sur tes yeux clos, qui maîtrisent le secret.
Nous marchons… nous marchons jusqu’à nous évanouir et
chacun de nos pas ébranle à l’infini le vieux trésor des pirates et les pépites
gisant en cale humide, tandis qu’aux antipodes un explorateur égaré, à
l’affût d’enfances décrues, relève nos empreintes mouvantes sur un étoc
en diffraction. Mais la vie franchit peu à peu la frontière des étoiles. L’azur
échoue dans tes paumes pour désaltérer la peine, à sa mort culminante.
A fleur d’eau, la caresse vogue périlleuse, émiettant sens et
soupirs ; un parchemin vétuste au fond d’un cœur creux qui flotte sur
l’océan, relate encore leurs destinées sauvages.
C’est le vent qui maintenant prend le haut commandement
des naufrages et contre ses parois essoufflées qui sont geôlières de nos
cheveux, l’indicible est placardé en lettres bleues d’un pied et demi. Tes
veines gracieuses teintent les joues du phare qui tourne, tourne et tourne
à l’aveuglette, sans perdre pied, faisant de la tempête une cible circulaire,
de plus en plus immense à mesure que le phare grandit et que nous
approchons et que l’éclair charpente les aîtres de son corps géant, où
les habitants sont inhumés parmi d’étranges romans de chevalerie dont
chaque folio est un pavé qui dérobe l’océan à l’abîme, la souffrance au
fléau.
L’âme revient au calme plat. Le soleil éteint lentement les
paupières aphones, les paupières se font vivantes à travers nuit, la nuit
repart sur son palanquin effronté et la mer n’est plus blessée que par les
nues dont le reflet écorche sa surface, et elle n’a plus d’autres épaves que
les larmes qu’elle a ravi aux yeux et elle a ouvert ses chagrins à l’aube qui
prend eau toute part.
L’espace déborde.
M.M.
27.2.38

Marcel Marien - deux collages adressés à Jacqueline , 1938

« Le ciel tâte le front du voyageur.
Puis, dans le vent, arrachant les trous par la racine, la
pierre dévale la pente noire du soleil pour s’écraser
dans la vallée qui n’en a jamais vu d’autres.
mes yeux langoureux
sont si bleus
qu’ils sont amoureux
à deux de tes yeux
heureux celui qui peut
de tes yeux de feu
détacher le bleu
de mes yeux
amour à deux
amour de mes yeux
licencieux
comme la flamme du feu bleu
Posant le petit doigt sur la pointe de ton sein,
mon annulaire atteignait la cime de l’arbre et je suivais
avec le majeur le vol de l’aigle à son point culminant,
mon index perforait le soleil tandis qu’à la base des
océans, faisant de sa corpulence un trône, mon pouce
servait de pâture aux poissons des grandes profondeurs »

Marcel Marien - Collage et poème adressé à Jacqueline , 1938J’ai quelques moments à vous dédier, ma chère Jacqueline et je
m’empresse de vous adresser ces quelques mots. Vous pourriez me rendre
tellement heureux si des occasions mieux disposées nous réunissaient
plus fréquemment. Ici, je suis abandonné au rythme hostile des déboires.
Je sais que vous songez de temps à autre à mon existence mécanisée et
prisonnière et c’est déjà un tel réconfort. Chaque fois que je vous ai vu, je
n’ai guère manifesté l’intérêt que je conçois à votre égard, cependant mes
yeux erraient…Ils viendront, ces jours merveilleux qui nous rapprocherons
de nous-mêmes. Vous restez, vous croissez plus belle, malgré tout. Inutile,
n’est-ce pas, de crier, d’étaler vos charmes si jeunes, auxquels j’aurai tantôt,
si vous exaucez mon attente, la grâce de goûter, de m’en rassasier à pleines
lèvres, vous Jacqueline, si nue dans une robe que vous croyez porter et que
les mains de l’amour défont avec une si vive prestesse, si jolie derrière un
abri de tendresse muette, si inconnue malgré les heures partagées, si loin
moi de toi. Nos corps sont encore entre nous, pour paralyser le plein va-et vient
des âmes portées vers l’élan de l’unisson entière ; toute pleine dans
le creux de ma main, tu ne tiens qu’à la vie pour me la donner, cette vie
menue, captive, si irrégulière qu’elle n’a que les courbes imparfaites de la
mienne pour en réfléchir le tracé. Et cette heure dont nous approchons, ma
toute jolie, ne me la retardez pas.
Très doux baisers
Marcel

Georges Bataille – Poèmes érotiques

 

Je t’aime comme on râle

Tu es l’horreur de la nuit

Je t’aime comme on râle

Tu es faible comme la mort

Je t’aime comme on délire

Tu sais que ma tête meurt

Tu es l’immensité la peur

Tu es belle comme on tue

Le coeur démesuré j’étouffe

Ton ventre est nu comme la nuit.”

Illustration de Jean Fautrier pour  Georges Bataille

Je mets mon vit contre ta joue

“Je mets mon vit contre ta joue

Le bout frôle ton oreille

Lèche mes bourses lentement

Ta langue est douce comme l’eau

Ta langue est crue comme une bouchère

Elle est rouge comme un gigot

Sa pointe est un coucou criant

Mon vit sanglote de salive

Ton derrière est ma déèsse

Il s’ouvre comme ta bouche

Je l’adore comme le ciel

Je le vénère comme un feu

Je bois dans ta déchirure

J’étale tes jambes nues

Je les ouvre comme un livre

Où je lis ce qui me tue”

Illustration  d’ André Masson pour Georges Bataille

Ma putain

“Ma putain

Mon coeur

Je t’aime comme on chie

Trempe ton cul dans l’orage

Entourée d’éclairs

C’est la foudre qui te baise

Un fou brame dans la nuit

Qui bande comme un cerf

Qui dévorent les chiens

La mort éjacule en sang”

Illustration  d’Hans Bellmer , pour Georges Bataille

J’ouvre le ciel comme on ouvre la gorge

“J’ouvre le ciel comme on ouvre la gorge

Des mourants

Je suis calme comme un taureau

Qui meugle sous la pluie

Je ne suis pas un homme

Je meugle

Je suis plus idiot que la foudre

Qui éclate de rire

Je veux faire un vacarme

Si grand

Qu’on ne s’entendra plus.

Ma folie et ma peur

Ont de grands yeux morts

La fixité de la fièvre.

Ce qui regarde dans ces yeux

Est le néant de l’univers

Mes yeux sont d’aveugles ciels

Dans mon impénétrable nuit

Est l’impossible criant

Tout s’effondre.

Bande-moi les yeux

J’aime la nuit

Mon coeur est noir

Pousse-moi dans la nuit

Tout est faux

Je souffre

Le monde sent la mort

Les oiseaux volent les yeux crevés

Tu es sombre comme un ciel noir.”

Illustration  d’Hans Bellmer- Les deux soeurs, 1957, pour Georges Bataille

Gonflée comme ma pine

“Gonflée comme ma pine ma langue

Dans ta gorge d’amour rose

Ma vulve est ma boucherie

Le sang rouge lavé de foutre

Le foutre nage dans le sang

Dans mes bras mauves le parfum de pomme

Le panthéon de la bitte majestueuse

Un cul de chienne ouvert

A la sainteté de la rue ’amour chevelu de ma jambe

Un panthéon de foutre”

Hans Bellmer – study for georges bataille’s “l’histoire de l’oeil”, 1946

Je dors

“Je dors

La bouche ouverte dans l’attente

D’une pine qui m’étrangle

D’un jet fade d’un jet gluant

L’extase qui m’encule est le marbre

De la verge maculée de sang

Pour me livrer aux vits

J’ai mis

Ma robe à fendre l’âme”

Hans Bellmer Study for Georges Bataille’s “L’Histoire de l’oeil”, 1946

Mademoiselle mon coeur

‘Mademoiselle mon coeur

Mise à nue dans la dentelle

La bouche parfumée

Le pipi coule de ses jambes

L’odeur maquillée de la fente

Est laissée au vent du ciel

Un nuage

Dans la tête

Se réfléchit à l’envers

Une merveilleuse étoile

Tombe

Coeur criant comme la bouche

Le coeur manque

Un lis est brûlant

Le soleil ouvre la gorge.”

Georges Bataille – Poèmes érotiques extraits In,  Œuvres complètes, volume IV , Ed° Gallimard, 1992

George Bataille

 

 

Laure Albin Guillot – La Cantate du Narcisse, Paul Valéry, Paris, imp. Artra, 1942

Laure Albin Guillot- Planche 44  , issue de Paul Valéry, La Cantate du Narcisse, Paris, imp. Artra, 1942

Laure Albin Guillot - La Cantate du narcisse ,1934

Laure Albin Guillot – Nu masculin, 1934, La Cantate du Narcisse, Paul Valéry, Paris, imp. Artra, 1942

Laure Albin Guillot - les Yeux Mêmes et Noirs de Leur Âme, from Paul Valéry’s La Cantate du Narcisse, 1942 (2)

Laure Albin Guillot – les Yeux Mêmes et Noirs de Leur Âme, La Cantate du Narcisse, Paul Valéry, Paris, imp. Artra, 1942

Laure Albin Guillot - Etude pour La Cantate du Narcisse (Paul Valery), 1941

Laure Albin Guillot – Etude , 1941 pur La Cantate du Narcisse, Paul Valéry, Paris, imp. Artra, 1942

Laure Albin Guillot - Etude pour La Cantate du Narcisse 1931 (Paul Valery), 1941

Laure Albin Guillot – Nu, 1931La Cantate du Narcisse, Paul Valéry, Paris, imp. Artra, 1942

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Edward Weston -Portrait de la poètesse et peintre Carmen Mondragón Nahui Olin , 1923-24

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René Char- « Le Tombeau des secrets » , Edition A Larguier, Nimes 1930

René Char- « Le Tombeau des secrets » , Edition A Larguier, Nimes1930, (Photomontage original de Paul Eluard et André Breton sur une photographie représentant Louse Roze, le mar raine de René Char)

René Char un recueil de courts poèmes accompagnés de douze photographies- collages sous le titre ‘Le Tombeau des secrets’, publié à Nîmes en 1930 . Conçu avec des collages de Paul Eluard et André Breton. Le 2 Août 1929, René Char âgé de 22 ans, publie Arsenal ( lourd de mélancolie et douleur) à Nîmes aux éditions Méridiens et en envoie un exemplaire à Paul Eluard qui en vante les qualités. L’automne suivant, Éluard lui rend visite chez lui à l’Isle sur la Sorgue (Char y passe toute son enfance entouré de femmes (sa grand-mère paternelle, sa sœur Julia, de dix-huit ans son aînée, sa marraine Louise Roze ainsi  sa sœur Adèle et y est d’ailleurs entérré), et Char  à son tour part à Paris chez Éluard en Novembre 192 et  y rencontre  André Breton, Louis Aragon et René Crevel. Rapidement, il adhère au mouvement surréaliste, collaborant au n° 12 de la Révolution Surréaliste avec un texte intitulé « Profession de foi du sujet ». Son amitié avec Elaurd est réelle et ce dernier lui rend à nouveau visite visite à l’Isle sur La Sorgue . Là ils conçoivent ensemble les planches du tombeaux des secrets auxquelles Breton mettra sa touche.

Ce bref recueil de courts poèmes Recueil de poèmes basés sur ses souvenirs d’enfance passée à  Isle sur La Sorgue , va mettre en terre le passé commuant le deuil , qui devient dès lors un fertilisant pour relancer la vie pour l’avenir

Il inclut  douze photographies reproduites à pleine page (huit sont des évocations de personnes liées à sa mémoire prénatale (ascendants de Char ou amis de ses ascendants) , deux évoquent des lieux ( un cimetière, une maison), une est le portrait d’un athlète de foire connu du poète, la dernière est la reproduction d’une fresque de Miche l-Ange conservée à Rome et en partie effacée). chaque exemplaire est enrichie d’un collage (unique puisque spécifique à chaque exemplaire) de Breton et Éluard . c’est donc quelques un des ces collages que je vous présente aujourd’hui

« Revenir là où je n’ai jamais été», in,L’illusion imitée  Le tombeau des secrets, 1930

René Char- Le Tombeau des secrets“ Nimes, 1930, (Photompontage original de Paul Eluard et André Breton

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char – Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char - Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char – Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char - Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char – Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char - Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char – Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char - Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char – Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char - Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char – Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char – Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

René Char,Le Tombeau des secrets“ Nimes, 1930, ) 1 des portraits photographiques de René Char en tirage original d'époque (vers 1920) présent dans le receuil

René Char,Le Tombeau des secrets“ Nimes, 1930, ) 1 des portraits photographiques de René Char en tirage original d’époque (vers 1920) présent dans le receuil

Georges Hugnet- « La Septième face du dé » , recueil de 20 poèmes-découpages publiés en 1936 par Jeanne Bucher

Georges Hugnet (1906 – 1974) Ses études, parues dès 1924 dans des revues telles que Cahiers d`Art et Minotaure, ont retenu l’attention d’André Breton. Devenu proche de ce dernier et d’Eluard, sa rencontre avec le groupe surréaliste date de 1926, mais ce n’est qu’en 1932 qu’il devient officiellement membre, lorsque Tristan Tzara le présente à André Breton. Multipliant les écrits, notamment avec de nombreux articles sur Max Ernst, Miro, Dominguez, Tanguy, Magritte.

il réalise également une étude sur le dadaïsme,et devient alors est le premier historien du mouvement Dada. L’esprit Dada dans la peinture,

Avant d’intégrer le groupe surréaliste, il tourne en 1929 un film, La Perle dans la tradition onirique du cinéma surréaliste, participe activement aux expositions internationales du Surréalisme de 1938 à Paris et à Amsterdam, et publie de nombreux ouvrages, recueils de poèmes, pièces de théâtre, livre-objets et photo-montages.

Passée cette expérience collective, Georges Hugnet continue sa recherche de l’absolu poétique et de la beauté graphique par les décalcomanies automatiques à l’encre noire, technique mise au point avec son ami Oscar Dominguez, les photo-montages et collages photographiques, les découpages de journaux et l’assemblage de matériaux divers : objets trouvés, bois flottés, cailloux, algues marines, papiers déchirés, etc. Les œuvres qui en résultent deviennent autant de bestiaires, autant d’herbiers, autant d’univers oniriques considérés comme autant d`expérimentations poétiques graphiques.

Georges Hugnet fut aussi épisodiquement relieur et conçut quelques reliures uniques, qu’il intitule « Livre-Objet » et qui sont devenus des raretés bibliographiques. L’œuvre picturale de Georges Hugnet, largement présente dans les plus grands musées du monde et collections ou fondations privées, est néanmoins seconde par rapport à son œuvre poétique intrinsèque.

L’occupation allemande interrompra ses activités d`éditeur, Les Éditions de la Montagne, pour cause de rationnement du papier ; de même sera interrompue la revue littéraire qu`il dirigeait, L’Usage de la Parole. Georges Hugnet arrête toutes activités artistiques de premier plan pour lutter contre l’occupant et le régime de Vichy. Il devient ainsi un poète « casqué » , selon l’expression chère à Pierre Seghers. Durant cette période, Georges Hugnet, membre du groupe La Main à plume, participe à l’élaboration de nombreux tracts contre les occupants et fabriqua de faux laissez-passer dans son atelier de reliure pour permettre à ceux qui étaient recherchés par la Gestapo de passer en zone libre puis à l’étranger.

C’est aussi à cette époque, qu’il co-fonde une maison d’édition clandestine, dont le premier ouvrage publié est Le Silence de la mer de Vercors. Cette maison devint à la libération les Éditions de Minuit.

Depuis les années trente jusqu’à la fin de sa vie en 1974, Georges Hugnet n’a pas cessé de créer des collages, des poèmes-collages et des photo-montages sur fond de décalcomanie. A travers la diversité de son œuvre, le collage constitue donc une passion ancienne et durable, qui le place comme l’un des meneurs de l’innovation collagiste.  Sa plus grande réalisation est un recueil de 20 poèmes-découpages publiés en 1936 par Jeanne Bucher :La Septième face du dé, qui compte parmi les publications les plus étonnantes de cette période. Mais il faut également mentionner Huit jours à Trébaumec ( lire l’aricle ici ) et 1961.

c’est l’oeuvre que je vous présente aujourd’hui ,  chef-d’œuvre de collage surréaliste dans le texte et l’image.

Dans ce travail, composé de vingt Poèmes – découpages, des membres tronqués se multiplient – les jambes des femmes détaché, traversé, bras et jambes écartés, jambes juxtaposés avec des gros seins ou des coquillages ou des jambes multiples formant une forme rosace.

Marcel Duchamp réalise la couverture, associant une photo d’un de ses ready-made – Why not sneeze Rose Sélavy ? (1921) – et un titre composé en lettres fantaisie romantiques, dont les empattements portent les noms des grandes figures chères aux surréalistes. Il définit le titre en lettres contenant les noms de tout un panthéon surréaliste, y compris Sade, Freud, Rimbaud, Paracelse, Swift, Héraclite, Roussel, Chaplin, Jarry, Uccello, et Saint-Just, et aussi Man Ray composée de 152 cubes de marbre de la taille des morceaux de sucre, d’un thermomètre et un os de seiche dans une petite cage. Il est à noter que Marcel Duchamp s’est approprié l’« alphabet lapidaire monstre » dessiné par Jean Midolle, que celui-ci avait publié dans son Spécimen des écritures modernes (1834-1835), en substituant aux noms des écrivains et des musiciens que Midolle avait inscrits dans les empattements ceux des surréalistes et autres cités précèdement.

Les « Poèmes-découpages » selon ses termes , confrontent dans chaque double une page typographiée, composée par lui-même, dans une vaste palette de caractères, et une page de collages (extraits de presse et photos).  Hugnet et Duchamp réalisent pour vingt des 270 exemplaires du tirage une reliure dite « cigarette ».

Georges Hugnet – La Septième face du dé, 1936

Cover by Marcel Duchamp pour La septième face du dé, 20 poèmes-découpages de Georges Hugnet publié en 1936 par la galerie Jeanne Bucher.

George Hugnet – La Querelle tout en elle… (Planche refuse for La Septieme face du dé), 1936

C’est le soleil , La septième face du dé, 20 poèmes-découpages de Georges Hugnet publié en 1936 par la galerie Jeanne Bucher

 

George Hugnet- Collage A Red Pennant , 1936

Georges Hugne- LA SEPTIÈME FACE DU DÉ. J’AI MAQUILLÉ LE CHEVAL, JE L’AI TEINT. COLLAGE ORIGINAL [1936]

Georges Hugnet – C’est le soleil La Septième face du dé, 1936

La septième face du dé, 20 poèmes-découpages de Georges Hugnet publié en 1936 par la galerie Jeanne Bucher.

La septième face du dé, 20 poèmes-découpages de Georges Hugnet publié en 1936 par la galerie Jeanne Bucher.

La septième face du dé, 20 poèmes-découpages de Georges Hugnet publié en 1936 par la galerie Jeanne Bucher.

George Hugnet – Collage A Little of Everything, La septième face du dé, 20 poèmes-découpages de Georges Hugnet publié en 1936 par la galerie Jeanne Bucher.

La septième face du dé, 20 poèmes-découpages de Georges Hugnet publié en 1936 par la galerie Jeanne Bucher.

La septième face du dé, 20 poèmes-découpages de Georges Hugnet publié en 1936 par la galerie Jeanne Bucher.

La septième face du dé, 20 poèmes-découpages de Georges Hugnet publié en 1936 par la galerie Jeanne Bucher

La septième face du dé, 20 poèmes-découpages de Georges Hugnet publié en 1936 par la galerie Jeanne Bucher

George Hugnet – DESTIN SUR QUI GISENT EPARS DES VETEMENTS HATIFS ,1936

« Qui inventa », La septième face du dé, 20 poèmes-découpages de Georges Hugnet publié en 1936 par la galerie Jeanne Bucher

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René Char Paul Eluard Salvador Dalí Gala Dalí et Nusch Éluard en Espagne à Cadaquès Eté 1931

Durant l’été 1931 Char, Nusch et Paul Éluard s’embarquent à Marseille, font escale à Barcelone et séjournent à Cadaqués chez Dali et Gala. Voici quelles traces photographique s de ce moment

 

Salvador Dalí et René Char Gala Dalí et Nusch Éluard en Espagne à Cadaquès, 1931 photographiés par Paul Eluard

Salvador Dalí et René Char Gala Dalí et Nusch Éluard en Espagne à Cadaquès, photographiés par Paul Eluard, 1931

 

René Char et Gala Dalí en Espagne à Cadaquès, 1931 ( photographer Dali, Eluard ? )

 

René Char Paul Eluard Gala Dalí et Nusch Éluard en Espagne à Cadaquès, photographiés par, Salvador Dalí, 1931

Salvador Dalí et René Char Gala Dalí en Espagne à Cadaquès, 1935 photographiés par Paul Eluard, 1931

 

René Char et Nusch Nusch Éluard sur le bateau les menant en Espagne à Cadaquès, photographiés par Paul Nusch Éluard, 1931

source  site d’André Breton

Henri Michaux – « Emportez moi », In « Espace du dedans »

Emportez-moi dans une caravelle,
Dans une vieille et douce caravelle,
Dans l’étrave, ou si l’on veut, dans l’écume,
Et perdez-moi, au loin, au loin.

Dans l’attelage d’un autre âge.
Dans le velours trompeur de la neige.
Dans l’haleine de quelques chiens réunis.
Dans la troupe exténuée des feuilles mortes.

Emportez-moi sans me briser, dans les baisers,
Dans les poitrines qui se soulèvent et respirent,
Sur les tapis des paumes et leur siurire,
Dans les corridors des os longs, et des articulations.

Emportez-moi, ou plutôt enfouissez-moi.

Henri Michaux – « Emportez moi », In « Espace du dedans » Receuil

 

Henri Michaux- Qu’il repose en révolte

Qu’il repose en révolte

Dans le noir, dans le soir sera sa mémoire dans ce qui souffre, dans ce qui suinte dans ce qui cherche et ne trouve pas dans le chaland de débarquement qui crève sur la grève dans le départ sifflant de la balle traceuse dans l’île de soufre sera sa mémoire.

Dans celui qui a sa fièvre en soi, à qui n’importent les murs dans celui qui s’élance et n’a de tête que contre les murs dans le larron non repentant dans le faible à jamais récalcitrant dans le porche éventré sera sa mémoire.

Dans la route qui obsède dans le cœur qui cherche sa plage dans l’amant que son corps fuit dans le voyageur que l’espace ronge.

Dans le tunnel dans le tourment tournant sur lui-même dans celui qui ose froisser les cimetières

Dans l’orbite enflammé des astres qui se heurtent en éclatant dans le vaisseau fantôme, dans la fiancée flétrie dans la chanson crépusculaire sera sa mémoire.

Dans la présence de la mer dans la distance du juge dans la cécité dans la tasse à poison.

Dans le capitaine des sept mers dans l’âme de celui qui lave la dague dans l’orgue en roseau qui pleure pour tout un peuple dans le jour du crachat sur l’offrande.

Dans le fruit de l’hiver dans le poumon des batailles qui reprennent dans le fou de la chaloupe.

Dans les bras tordus des désirs à jamais inassouvissera sa mémoire.

Henri Michaux,  In La Vie dans les plis 1949

Monsieur Plume with Creases in his Trousers (Portrait of Henri Michaux) 1947 by Jean Dubuffet 1901-1985

Monsieur Plume with Creases in his Trousers (Portrait of Henri Michaux) 1947 by Jean Dubuffet