
Maya Deren – Portrait of Carol Janeway, 1943
« L’histoire des hommes est l’histoire de leurs erreurs et non de leur vérité. La vérité est probablement comme le bonheur, elle est toute simple et elle n’a pas d’histoire. »
Albert Camus La Crise de l’Homme – Texte de la conférence prononcée en 1946 à Colombia University inédit en français, traduit de l’anglais par Jean-Marie Laclavetine In Nouvelle Revue Française
Andrey Chezhin – from Touching the City St. Petersburg, 1991
Louise Ruth Harriet – portrait of Greta Garbo, nd
Eddy Brofferio– Leonor Fini Paris 1966
Alla Nazimova in Camille , 1921
Studio Lorelle – Composition photographique, surimpression, 1929 ( see here the photogrpah Brigitte Helm inL’Argent/Money , 1928, dir. Marcel L’Herbier
I
Les fruits du jour couvés par la terre
Une femme une seule ne dort pas
Les fenêtres sont couchées.
II
Une femme chaque nuit
Voyage en grand secret
III
Villages de la lassitude
Où les filles ont les bras nus
Comme des jets d’eau
La jeunesse grandit en elle
Et rit sur la pointe des pieds
Villages de la lassitude
Où tous les êtres sont pareils
IV
Pour voir les yeux où l’on s’enferme
Et les rires où l’on prend place
V
Des insectes entrent ici
Ombres grésillantes du feu
Une flamme toute rouillée
Éclabousse le sommeil
Son lit de chair et ses vertus.
VI
Je veux t’embrasser je t’embrasse
Je veux te quitter tu t’ennuies
Mais aux limites de nos forces
Tu revêts une armure plus dangereuse qu’une arme
(…)
VIII
Le corps et les honneurs profanes
Incroyable conspiration
Des angles doux comme des aigles
– Mais la main qui me caresse
C’est mon rire qui l’ouvre
C’est ma gorge qui la retient
Qui la supprime
Incroyable conspiration
Des découvertes et des surprises.
IX
Fantôme de ta nudité
Fantôme enfant de ta simplicité
Dompteur puéril sommeil charnel
De libertés imaginaires.
X
Plume d’eau claire pluie fragile
Fraîcheur voilée de caresses
De regards et de paroles
Amour qui voile ce que j’aime.
XI
A ce souffle à ce soleil d’hier
Qui joint tes lèvres
Cette caresse toute fraîche
Pour courir les mers légères de ta pudeur
Pour en façonner dans l’ombre
Les miroirs du jasmin
Le problème du calme.
XII
Une chanson de porcelaine bat des mains
Puis en morceaux mendie et meurt
Tu te souviendras d’elle pauvre et nue
Matin des loups et leur morsure est un tunnel
D’où tu sors en robe de sang
À rougir de la nuit
Que de vivants à retrouver
Que de lumières à éteindre
Je t’appellerai Visuelle
.
Et multiplierai ton image.
XIII
Désarmée
Elle ne se connaît plus d’ennemis
XIV
Rôdeuse au front de verre
Son cœur s’inscrit dans une étoile noire
Ses yeux montrent sa tête
Ses yeux sont la fraîcheur de l’été
La chaleur de l’hiver
Ses yeux s’ajourent rient très fort
Ses yeux joueurs gagnent leur part de clarté.
XV
Elle s’allonge
Pour se sentir moins seule.
(…)
XVII
J’admirais descendant vers toi
L’espace occupé par le temps
Nos souvenirs me transportaient.
Il te manque beaucoup de place
Pour être toujours avec moi.
XVIII
Déchirant ses baisers et ses peurs
Elle s’éveille la nuit
Pour s’étonner de tout de qui l’a remplacée.
XIX
Au quai de ces ramures
Les navigateurs ne prospèrent pas
Paupières abattues par l’éclat l’écho du feu
Au quai des jambes nues
Perçant le corps dans l’ombre sourde
La trace des tentations s’est perdue.
Les fleuves ne se perdent qu’au pays de l’eau
La mer s’est effondrée sous son ciel de loisirs
Assise tu refuses de me suivre
Que risques-tu l’amour fait rire la douleur
Et crier sur les toits l’impuissance du monde.
La solitude est fraîche à ta gorge immobile
J’ai regardé tes mains elles sont semblables
Et tu peux les croiser
Tu peux t’attacher à toi-même
C’est bien — puisque tu es la seule je suis seul.
XX
Une prison découronnée
En plein ciel
Une fenêtre enflammée
Où la foudre montre ses seins
Une nuit toute verte
Nul ne sourit dans cette solitude
Ici le feu dort tout debout
À travers moi.
Mais ce sinistre est inutile
Je sais sourire
Tête absurbe
Dont la mort ne veut pas dessécher les désirs
Tête absolument libre
Qui gardera toujours et son regard et son sourire.
Si je vis aujourd’hui
Si je ne suis pas seul
Si quelqu’un vient à la fenêtre
Et si je suis cette fenêtre
Si quelqu’un vient
Ces yeux nouveaux ne me voient pas
Ne savent pas ce que je pense
Refusent d’être mes complices
Et pour aimer séparent.
(…)
XXII
Derrière moi mes yeux se sont fermés
La lumière est brûlée la nuit décapitée
Des oiseaux plus grands que les vents
Ne savent plus où se poser.
Dans les tourments infirmes dans les rides des rires
Je ne cherche plus mon semblable
La vie s’est affaissée mes images sont sourdes
Tous les refus du monde ont dit leur dernier mot
Ils ne se rencontrent plus ils s’ignorent
Je suis seul je suis seul tout seul
Je n’ai jamais changé.
Paul Eluard in L’univers solitude
Yousuf Karsh – MARTHA GRAHAM ,1948
Robert Demachy- Figure Study from an Etched Negative, 1906.
Dührkoop Rudolf & Diez-Dührkoop Minya, Portrait of the dancer Clotilde von Derp (1892-1974), 1913
[A bromoil print]
Still from Metropolis – « The Dance of the Whore of Babylon » by Brigitte Helm 1927, directed by Fritz Lang
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