Carlo Wulz – Nude, 1920/ Marguerite Duras

« Il me dit que je suis son seul amour, et c’est ça qu’il doit dire et c’est ça qu’on dit quand on laisse le dire se faire, quand on laisse le corps faire et chercher et trouver et prendre ce qu’il veut, et là tout est bon, il n’y a pas de déchet, les déchets sont recouverts, tout va dans le torrent, dans la force du désir. »
Marguerite Duras,  L’Amant , Éd.• de Minuit, 1984

Carlo Wulz – Nude, 1920

Carlo Wulz – Nude, 1920

Marguerite Duras

« Le ciel est vide.
Ça fait des années que j’aime cet homme.
Un homme que je n’ai pas encore nommé.
Un homme que j’aime.
Un homme qui me quittera.
Le reste, devant, derrière moi, avant et après moi, ça m’indiffère.
Je t’aime. »

Marguerite Duras  in, C’est tout

Marguerite Duras

Marguerite Duras

Marguerite Duras, in “La pluie d’été »

« La nuit il regretta.
La mort.
Les chiens.
L’enfance, il regretta, beaucoup, beaucoup.
L’amour, il regretta.
L’amour, il regretta au-delà de sa vie, au-delà de ses forces.
L’amour d’elle.
Les ciels d’orage
La pluie d’été.
L’enfance.
Jusqu’à la fin de la vie, l’amour d’elle.
Et puis un jour, il lui était venu le désir ardent de vivre une vie de pierre.
De mort et de pierre.
Une fois, il ne regretta pas.
Plus rien il regretta.
Ça avait été pendant cette nuit-là, que tomba sur Vitry la première pluie d’été. Elle tomba sur tout le centre-ville , le fleuve, l’autoroute détruite, l’arbre, les sentes et les pentes des enfants, forte et drue comme un flot de sanglots. »

Marguerite Duras, in “La pluie d’été »

Marguerite Duras in L’Amant

« L’histoire de ma vie n’existe pas. Ca n’existe pas.
Il n’y a jamais de centre. Pas de chemin, pas de ligne.
Il y a de vastes endroits où l’on fait croire qu’il y avait quelqu’un,
ce n’est pas vrai il n’y avait personne.
Je n’ai jamais écrit, croyant le faire, je n’ai jamais aimé, croyant aimer, je n’ai jamais rien fait qu’attendre devant la porte fermée.
Je me suis dit qu’on écrivait toujours sur le corps mort du monde et, de même, sur le corps mort de l’amour. »

M. Duras, in L’Amant

Marguerite Duras, “Hiroshima mon amour »

« Dans quelques années, quand je t’aurai oublié, et que d’autres histoires comme celle-là, par la force encore de l’habitude, arriveront encore, je me souviendrai de toi comme de l’oubli de
l’amour même.
Je penserai à cette histoire comme à l’horreur de l’oubli.
Je le sais déjà. »

Marguerite Duras, “Hiroshima mon amour »

Marguerite Duras- La maladie de la mort

« Vous devriez ne pas la connaître, l’avoir trouvée partout à la fois,
dans un hôtel, dans une rue, dans un train, dans un bar, dans un livre, dans un film, en vous-même, en vous, en toi, au hasard de ton sexe dressé dans la nuit qui appelle où se mettre,
où se débarrasser des pleurs qui le remplissent.
Vous pourriez l’avoir payée.
Vous auriez dit : Il faudrait venir chaque nuit pendant plusieurs jours.
Elle vous aurait regardé longtemps, et puis elle vous aurait dit que dans ce cas c’était cher.
Et puis elle demande : Vous voulez quoi ?
Vous dites que vous voulez essayer, tenter la chose, tenter connaître ça, vous habituer à ça, à ce corps, à ces seins,
à ce parfum, à la beauté, à ce danger de mise au monde d’enfants que représente ce corps, à cette forme imberbe sans accidents musculaires ni de force, à ce visage, à cette peau nue,
à cette coïncidence entre cette peau et la vie qu’elle recouvre.
Vous lui dites que vous voulez essayer, essayer plusieurs jours peut-être.
Peut-être plusieurs semaines.
Peut-être même pendant toute votre vie.
Elle demande : Essayer quoi ?
Vous dites: d’aimer. »

Marguerite Duras– In, La maladie de la mort