Henri Cartier-Bresson- Three Poems from Les Fleurs du Mal The Flowers of Evil by Henri Cartier-Bresson , in 1997)

Hymne

À la très chère, à la très belle
Qui remplit mon coeur de clarté,
À l’ange, À l’idole immortelle,
Salut en l’immortalité!

Elle se répand dans ma vie
Comme un air imprégné de sel,
Et dans mon âme inassouvie
Verse le goût de l’éternel.

Sachet toujours frais qui parfume
L’atmosphère d’un cher réduit,
Encensoir oublié qui fume
En secret à travers la nuit,

Comment, amour incorruptible,
T’exprimer avec vérité?
Grain de musc qui gis, invisible,
Au fond de mon éternité!

À la très bonne, à la très belle
Qui fait ma joie et ma santé,
À l’ange, à l’idole immortelle,
Salut en l’immortalité!

— Charles Baudelaire

Hymn

To the dearest, fairest woman
Who sets my heart ablaze with light,
To the angel, the immortal idol,
Greetings in immortality!

She permeates my life
Like air impregnated with salt
And into my unsated soul
Pours the taste for the eternal.

Sachet, ever fresh, that perfumes
The atmosphere of a dear nook,
Forgotten censer smoldering
Secretly through the night,

Everlasting love, how can I
Describe you truthfully?
Grain of musk that lies unseen
In the depths of my eternity!

To the dearest, fairest woman
Who is my health and my delight
To the angel, the immortal idol,
Greetings in immortality!

— Charles Baudelaire

Henri Cartier-Bresson- Pause entre deux poses, 1989,avec Hymne

Henri Cartier-Bresson- Pause entre deux poses, 1989,avec Hymne ( and published In Three Poems from Les Fleurs du Mal  The Flowers of Evil by  Henri Cartier-Bresson , in 1997 with Hymne)

Les Promesses d’un visage

J’aime, ô pâle beauté, tes sourcils surbaissés,
    D’où semblent couler des ténèbres;
Tes yeux, quoique très-noirs, m’inspirent des pensers
    Qui ne sont pas du tout funèbres.

Tes yeux, qui sont d’accord avec tes noirs cheveux,
    Avec ta crinière élastique,
Tes yeux, languissamment, me disent: «Si tu veux,
    Amant de la muse plastique,

Suivre l’espoir qu’en toi nous avons excité,
    Et tous les goûts que tu professes,
Tu pourras constater notre véracité
    Depuis le nombril jusqu’aux fesses;

Tu trouveras au bout de deux beaux seins bien lourds,
    Deux larges médailles de bronze,
Et sous un ventre uni, doux comme du velours,
    Bistré comme la peau d’un bonze,

Une riche toison qui, vraiment, est la soeur
    De cette énorme chevelure,
Souple et frisée, et qui t’égale en épaisseur,
    Nuit sans étoiles, Nuit obscure!»

— Charles Baudelaire

The Promises of a Face

I love your elliptical eyebrows, my pale beauty,
From which darkness seems to flow;
Although so black, your eyes suggest to me
Thoughts in no way funereal.

Your eyes, in harmony with your black hair,
With your buoyant mane,
Your swooning eyes now tell me: « If you wish,
O lover of the plastic muse,

To follow the hope we have excited in you,
And all the fancies you profess,
You will be able to prove our truthfulness
From the navel to the buttocks;

You will find at the tips of two heavy breasts
Two slack bronze medallions,
And under a smooth belly, soft as velvet,
Swarthy as the skin of a Buddhist,

A rich fleece, which truly is the sister
Of this huge head of hair,
Compliant and curly, its thickness equals
Black night, night without stars! »

Charles Baudelaire

Henri Cartier Bresson, Mexico, 1963 from tree poem ....

Henri Cartier Bresson, Mexico, 1963  ( and published In Three Poems from Les Fleurs du Mal  The Flowers of Evil by  Henri Cartier-Bresson , in 1997 with Les Promesses d’un visage)

La Géante

Du temps que la Nature en sa verve puissante
Concevait chaque jour des enfants monstrueux,
J’eusse aimé vivre auprès d’une jeune géante,
Comme aux pieds d’une reine un chat voluptueux.

J’eusse aimé voir son corps fleurir avec son âme
Et grandir librement dans ses terribles jeux;
Deviner si son coeur couve une sombre flamme
Aux humides brouillards qui nagent dans ses yeux;

Parcourir à loisir ses magnifiques formes;
Ramper sur le versant de ses genoux énormes,
Et parfois en été, quand les soleils malsains,

Lasse, la font s’étendre à travers la campagne,
Dormir nonchalamment à l’ombre de ses seins,
Comme un hameau paisible au pied d’une montagne.

— Charles Baudelaire

The Giantess

At the time when Nature with a lusty spirit
Was conceiving monstrous children each day,
I should have liked to live near a young giantess,
Like a voluptuous cat at the feet of a queen.

I should have liked to see her soul and body thrive
And grow without restraint in her terrible games;
To divine by the mist swimming within her eyes
If her heart harbored a smoldering flame;

To explore leisurely her magnificent form;
To crawl upon the slopes of her enormous knees,
And sometimes in summer, when the unhealthy sun

Makes her stretch out, weary, across the countryside,
To sleep nonchalantly in the shade of her breasts,
Like a peaceful hamlet below a mountainside.

— Charles Baudelaire

Henri Cartier-Bresson, Martine's Legs, 1968 avec la géante

Henri Cartier-Bresson- Martine’s Legs, 1968 ( and published In Three Poems from Les Fleurs du Mal  The Flowers of Evil by  Henri Cartier-Bresson , in 1997 with La Géante)

Ira Bordo/Octavio Paz

les fleuves de ton corps
pays de battements
entrer en toi
pays d’yeux clos
eau sans pensées
entrer en moi
à l’orée de ton corps
pays de miroirs en éveil
pays d’eau qui veille
dans la nuit endormie
je me regarde en ce que je vois
comme entrer par mes yeux
dans un oeil plus limpide
tout ce que je vois me regarde
deltas des bras du désir
sur une couche de vertiges
la transparence est tout ce qui demeure

Octavio Paz -Blanc

Ira Bordo

Ira Bordo

 

Johanna Knauer/Sylvia Plath

Sylvia Plath « Lettre d’amour »

« Pas facile de formuler ce que tu as changé pour moi.
Si je suis en vie maintenant, j’étais alors morte,
Bien que, comme une pierre, sans que cela ne m’inquiète,
Et je restais là sans bouger selon mon habitude.
Tu ne m’as pas simplement une peu poussée du pied, non-
Ni même laissé régler mon petit oeil nu
A nouveau vers le ciel, sans espoir, évidemment,
De pouvoir appréhender le bleu, ou les étoiles.

Ce n’était pas çà. Je dormais, disons : un serpent
Masqué parmi les roches noires telle une roche noire
Se trouvant au milieu du hiatus blanc de l’hiver –
Tout comme mes voisines, ne prenant aucun plaisir
A ce million de joues parfaitement ciselées
Qui se posaient à tout moment afin d’attendrir
Ma joue de basalte. Et elles se transformaient en larmes,
Anges versant des pleurs sur des natures sans relief,
Mais je n’étais pas convaincue. Ces larmes gelaient.
Chaque tête morte avait une visière de glace.
Et je continuais de dormir, repliée sur moi-même.
La première chose que j’ai vue n’était que de l’air
Et ces gouttes prisonnières qui montaient en rosée,
Limpides comme des esprits. Il y avait alentour
Beaucoup de pierres compactes et sans aucune expression.
Je ne savais pas du tout quoi penser de cela.
Je brillais, recouverte d’écailles de mica,
Me déroulais pour me déverser tel un fluide
Parmi les pattes d’oiseaux et les tiges des plantes.
Je ne m’y suis pas trompée. Je t’ai reconnu aussitôt.

L’arbre et la pierre scintillaient, ils n’avaient plus d’ombres.
Je me suis déployée, étincelante comme du verre.
J’ai commencé de bourgeonner tel un rameau de mars :
Un bras et puis une jambe, un bras et encore une jambe.
De la pierre au nuage, ainsi je me suis élevée.
Maintenant je ressemble à une sorte de dieu
Je flotte à travers l’air, mon âme pour vêtement,
Aussi pure qu’un pain de glace. C’est un don. »

Sylvia Plath

Johanna Knauer

Johanna Knauer

 

Georges Bataille – Poèmes érotiques

 

Je t’aime comme on râle

Tu es l’horreur de la nuit

Je t’aime comme on râle

Tu es faible comme la mort

Je t’aime comme on délire

Tu sais que ma tête meurt

Tu es l’immensité la peur

Tu es belle comme on tue

Le coeur démesuré j’étouffe

Ton ventre est nu comme la nuit.”

Illustration de Jean Fautrier pour  Georges Bataille

Je mets mon vit contre ta joue

“Je mets mon vit contre ta joue

Le bout frôle ton oreille

Lèche mes bourses lentement

Ta langue est douce comme l’eau

Ta langue est crue comme une bouchère

Elle est rouge comme un gigot

Sa pointe est un coucou criant

Mon vit sanglote de salive

Ton derrière est ma déèsse

Il s’ouvre comme ta bouche

Je l’adore comme le ciel

Je le vénère comme un feu

Je bois dans ta déchirure

J’étale tes jambes nues

Je les ouvre comme un livre

Où je lis ce qui me tue”

Illustration  d’ André Masson pour Georges Bataille

Ma putain

“Ma putain

Mon coeur

Je t’aime comme on chie

Trempe ton cul dans l’orage

Entourée d’éclairs

C’est la foudre qui te baise

Un fou brame dans la nuit

Qui bande comme un cerf

Qui dévorent les chiens

La mort éjacule en sang”

Illustration  d’Hans Bellmer , pour Georges Bataille

J’ouvre le ciel comme on ouvre la gorge

“J’ouvre le ciel comme on ouvre la gorge

Des mourants

Je suis calme comme un taureau

Qui meugle sous la pluie

Je ne suis pas un homme

Je meugle

Je suis plus idiot que la foudre

Qui éclate de rire

Je veux faire un vacarme

Si grand

Qu’on ne s’entendra plus.

Ma folie et ma peur

Ont de grands yeux morts

La fixité de la fièvre.

Ce qui regarde dans ces yeux

Est le néant de l’univers

Mes yeux sont d’aveugles ciels

Dans mon impénétrable nuit

Est l’impossible criant

Tout s’effondre.

Bande-moi les yeux

J’aime la nuit

Mon coeur est noir

Pousse-moi dans la nuit

Tout est faux

Je souffre

Le monde sent la mort

Les oiseaux volent les yeux crevés

Tu es sombre comme un ciel noir.”

Illustration  d’Hans Bellmer- Les deux soeurs, 1957, pour Georges Bataille

Gonflée comme ma pine

“Gonflée comme ma pine ma langue

Dans ta gorge d’amour rose

Ma vulve est ma boucherie

Le sang rouge lavé de foutre

Le foutre nage dans le sang

Dans mes bras mauves le parfum de pomme

Le panthéon de la bitte majestueuse

Un cul de chienne ouvert

A la sainteté de la rue ’amour chevelu de ma jambe

Un panthéon de foutre”

Hans Bellmer – study for georges bataille’s “l’histoire de l’oeil”, 1946

Je dors

“Je dors

La bouche ouverte dans l’attente

D’une pine qui m’étrangle

D’un jet fade d’un jet gluant

L’extase qui m’encule est le marbre

De la verge maculée de sang

Pour me livrer aux vits

J’ai mis

Ma robe à fendre l’âme”

Hans Bellmer Study for Georges Bataille’s “L’Histoire de l’oeil”, 1946

Mademoiselle mon coeur

‘Mademoiselle mon coeur

Mise à nue dans la dentelle

La bouche parfumée

Le pipi coule de ses jambes

L’odeur maquillée de la fente

Est laissée au vent du ciel

Un nuage

Dans la tête

Se réfléchit à l’envers

Une merveilleuse étoile

Tombe

Coeur criant comme la bouche

Le coeur manque

Un lis est brûlant

Le soleil ouvre la gorge.”

Georges Bataille – Poèmes érotiques extraits In,  Œuvres complètes, volume IV , Ed° Gallimard, 1992

George Bataille

 

 

René Char- « Le Tombeau des secrets » , Edition A Larguier, Nimes 1930

René Char- « Le Tombeau des secrets » , Edition A Larguier, Nimes1930, (Photomontage original de Paul Eluard et André Breton sur une photographie représentant Louse Roze, le mar raine de René Char)

René Char un recueil de courts poèmes accompagnés de douze photographies- collages sous le titre ‘Le Tombeau des secrets’, publié à Nîmes en 1930 . Conçu avec des collages de Paul Eluard et André Breton. Le 2 Août 1929, René Char âgé de 22 ans, publie Arsenal ( lourd de mélancolie et douleur) à Nîmes aux éditions Méridiens et en envoie un exemplaire à Paul Eluard qui en vante les qualités. L’automne suivant, Éluard lui rend visite chez lui à l’Isle sur la Sorgue (Char y passe toute son enfance entouré de femmes (sa grand-mère paternelle, sa sœur Julia, de dix-huit ans son aînée, sa marraine Louise Roze ainsi  sa sœur Adèle et y est d’ailleurs entérré), et Char  à son tour part à Paris chez Éluard en Novembre 192 et  y rencontre  André Breton, Louis Aragon et René Crevel. Rapidement, il adhère au mouvement surréaliste, collaborant au n° 12 de la Révolution Surréaliste avec un texte intitulé « Profession de foi du sujet ». Son amitié avec Elaurd est réelle et ce dernier lui rend à nouveau visite visite à l’Isle sur La Sorgue . Là ils conçoivent ensemble les planches du tombeaux des secrets auxquelles Breton mettra sa touche.

Ce bref recueil de courts poèmes Recueil de poèmes basés sur ses souvenirs d’enfance passée à  Isle sur La Sorgue , va mettre en terre le passé commuant le deuil , qui devient dès lors un fertilisant pour relancer la vie pour l’avenir

Il inclut  douze photographies reproduites à pleine page (huit sont des évocations de personnes liées à sa mémoire prénatale (ascendants de Char ou amis de ses ascendants) , deux évoquent des lieux ( un cimetière, une maison), une est le portrait d’un athlète de foire connu du poète, la dernière est la reproduction d’une fresque de Miche l-Ange conservée à Rome et en partie effacée). chaque exemplaire est enrichie d’un collage (unique puisque spécifique à chaque exemplaire) de Breton et Éluard . c’est donc quelques un des ces collages que je vous présente aujourd’hui

« Revenir là où je n’ai jamais été», in,L’illusion imitée  Le tombeau des secrets, 1930

René Char- Le Tombeau des secrets“ Nimes, 1930, (Photompontage original de Paul Eluard et André Breton

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char – Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char - Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char – Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char - Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char – Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char - Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char – Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char - Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char – Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char - Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char – Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930

Collage d’André Breton et de Paul Eluard pour ” Le Tombeau des Secrets ” de René Char en 1930René Char – Le Tombeau des Secrets, 1930 Photomontage de Paul Eluard et André Breton sur une Photographie représentant Louse Rose, la marraine de René Char

René Char,Le Tombeau des secrets“ Nimes, 1930, ) 1 des portraits photographiques de René Char en tirage original d'époque (vers 1920) présent dans le receuil

René Char,Le Tombeau des secrets“ Nimes, 1930, ) 1 des portraits photographiques de René Char en tirage original d’époque (vers 1920) présent dans le receuil

Georges Hugnet- « La Septième face du dé » , recueil de 20 poèmes-découpages publiés en 1936 par Jeanne Bucher

Georges Hugnet (1906 – 1974) Ses études, parues dès 1924 dans des revues telles que Cahiers d`Art et Minotaure, ont retenu l’attention d’André Breton. Devenu proche de ce dernier et d’Eluard, sa rencontre avec le groupe surréaliste date de 1926, mais ce n’est qu’en 1932 qu’il devient officiellement membre, lorsque Tristan Tzara le présente à André Breton. Multipliant les écrits, notamment avec de nombreux articles sur Max Ernst, Miro, Dominguez, Tanguy, Magritte.

il réalise également une étude sur le dadaïsme,et devient alors est le premier historien du mouvement Dada. L’esprit Dada dans la peinture,

Avant d’intégrer le groupe surréaliste, il tourne en 1929 un film, La Perle dans la tradition onirique du cinéma surréaliste, participe activement aux expositions internationales du Surréalisme de 1938 à Paris et à Amsterdam, et publie de nombreux ouvrages, recueils de poèmes, pièces de théâtre, livre-objets et photo-montages.

Passée cette expérience collective, Georges Hugnet continue sa recherche de l’absolu poétique et de la beauté graphique par les décalcomanies automatiques à l’encre noire, technique mise au point avec son ami Oscar Dominguez, les photo-montages et collages photographiques, les découpages de journaux et l’assemblage de matériaux divers : objets trouvés, bois flottés, cailloux, algues marines, papiers déchirés, etc. Les œuvres qui en résultent deviennent autant de bestiaires, autant d’herbiers, autant d’univers oniriques considérés comme autant d`expérimentations poétiques graphiques.

Georges Hugnet fut aussi épisodiquement relieur et conçut quelques reliures uniques, qu’il intitule « Livre-Objet » et qui sont devenus des raretés bibliographiques. L’œuvre picturale de Georges Hugnet, largement présente dans les plus grands musées du monde et collections ou fondations privées, est néanmoins seconde par rapport à son œuvre poétique intrinsèque.

L’occupation allemande interrompra ses activités d`éditeur, Les Éditions de la Montagne, pour cause de rationnement du papier ; de même sera interrompue la revue littéraire qu`il dirigeait, L’Usage de la Parole. Georges Hugnet arrête toutes activités artistiques de premier plan pour lutter contre l’occupant et le régime de Vichy. Il devient ainsi un poète « casqué » , selon l’expression chère à Pierre Seghers. Durant cette période, Georges Hugnet, membre du groupe La Main à plume, participe à l’élaboration de nombreux tracts contre les occupants et fabriqua de faux laissez-passer dans son atelier de reliure pour permettre à ceux qui étaient recherchés par la Gestapo de passer en zone libre puis à l’étranger.

C’est aussi à cette époque, qu’il co-fonde une maison d’édition clandestine, dont le premier ouvrage publié est Le Silence de la mer de Vercors. Cette maison devint à la libération les Éditions de Minuit.

Depuis les années trente jusqu’à la fin de sa vie en 1974, Georges Hugnet n’a pas cessé de créer des collages, des poèmes-collages et des photo-montages sur fond de décalcomanie. A travers la diversité de son œuvre, le collage constitue donc une passion ancienne et durable, qui le place comme l’un des meneurs de l’innovation collagiste.  Sa plus grande réalisation est un recueil de 20 poèmes-découpages publiés en 1936 par Jeanne Bucher :La Septième face du dé, qui compte parmi les publications les plus étonnantes de cette période. Mais il faut également mentionner Huit jours à Trébaumec ( lire l’aricle ici ) et 1961.

c’est l’oeuvre que je vous présente aujourd’hui ,  chef-d’œuvre de collage surréaliste dans le texte et l’image.

Dans ce travail, composé de vingt Poèmes – découpages, des membres tronqués se multiplient – les jambes des femmes détaché, traversé, bras et jambes écartés, jambes juxtaposés avec des gros seins ou des coquillages ou des jambes multiples formant une forme rosace.

Marcel Duchamp réalise la couverture, associant une photo d’un de ses ready-made – Why not sneeze Rose Sélavy ? (1921) – et un titre composé en lettres fantaisie romantiques, dont les empattements portent les noms des grandes figures chères aux surréalistes. Il définit le titre en lettres contenant les noms de tout un panthéon surréaliste, y compris Sade, Freud, Rimbaud, Paracelse, Swift, Héraclite, Roussel, Chaplin, Jarry, Uccello, et Saint-Just, et aussi Man Ray composée de 152 cubes de marbre de la taille des morceaux de sucre, d’un thermomètre et un os de seiche dans une petite cage. Il est à noter que Marcel Duchamp s’est approprié l’« alphabet lapidaire monstre » dessiné par Jean Midolle, que celui-ci avait publié dans son Spécimen des écritures modernes (1834-1835), en substituant aux noms des écrivains et des musiciens que Midolle avait inscrits dans les empattements ceux des surréalistes et autres cités précèdement.

Les « Poèmes-découpages » selon ses termes , confrontent dans chaque double une page typographiée, composée par lui-même, dans une vaste palette de caractères, et une page de collages (extraits de presse et photos).  Hugnet et Duchamp réalisent pour vingt des 270 exemplaires du tirage une reliure dite « cigarette ».

Georges Hugnet – La Septième face du dé, 1936

Cover by Marcel Duchamp pour La septième face du dé, 20 poèmes-découpages de Georges Hugnet publié en 1936 par la galerie Jeanne Bucher.

George Hugnet – La Querelle tout en elle… (Planche refuse for La Septieme face du dé), 1936

C’est le soleil , La septième face du dé, 20 poèmes-découpages de Georges Hugnet publié en 1936 par la galerie Jeanne Bucher

 

George Hugnet- Collage A Red Pennant , 1936

Georges Hugne- LA SEPTIÈME FACE DU DÉ. J’AI MAQUILLÉ LE CHEVAL, JE L’AI TEINT. COLLAGE ORIGINAL [1936]

Georges Hugnet – C’est le soleil La Septième face du dé, 1936

La septième face du dé, 20 poèmes-découpages de Georges Hugnet publié en 1936 par la galerie Jeanne Bucher.

La septième face du dé, 20 poèmes-découpages de Georges Hugnet publié en 1936 par la galerie Jeanne Bucher.

La septième face du dé, 20 poèmes-découpages de Georges Hugnet publié en 1936 par la galerie Jeanne Bucher.

George Hugnet – Collage A Little of Everything, La septième face du dé, 20 poèmes-découpages de Georges Hugnet publié en 1936 par la galerie Jeanne Bucher.

La septième face du dé, 20 poèmes-découpages de Georges Hugnet publié en 1936 par la galerie Jeanne Bucher.

La septième face du dé, 20 poèmes-découpages de Georges Hugnet publié en 1936 par la galerie Jeanne Bucher.

La septième face du dé, 20 poèmes-découpages de Georges Hugnet publié en 1936 par la galerie Jeanne Bucher

La septième face du dé, 20 poèmes-découpages de Georges Hugnet publié en 1936 par la galerie Jeanne Bucher

George Hugnet – DESTIN SUR QUI GISENT EPARS DES VETEMENTS HATIFS ,1936

« Qui inventa », La septième face du dé, 20 poèmes-découpages de Georges Hugnet publié en 1936 par la galerie Jeanne Bucher

More articles about George Hugnet

Henri Michaux – « Emportez moi », In « Espace du dedans »

Emportez-moi dans une caravelle,
Dans une vieille et douce caravelle,
Dans l’étrave, ou si l’on veut, dans l’écume,
Et perdez-moi, au loin, au loin.

Dans l’attelage d’un autre âge.
Dans le velours trompeur de la neige.
Dans l’haleine de quelques chiens réunis.
Dans la troupe exténuée des feuilles mortes.

Emportez-moi sans me briser, dans les baisers,
Dans les poitrines qui se soulèvent et respirent,
Sur les tapis des paumes et leur siurire,
Dans les corridors des os longs, et des articulations.

Emportez-moi, ou plutôt enfouissez-moi.

Henri Michaux – « Emportez moi », In « Espace du dedans » Receuil

 

Henri Michaux- Qu’il repose en révolte

Qu’il repose en révolte

Dans le noir, dans le soir sera sa mémoire dans ce qui souffre, dans ce qui suinte dans ce qui cherche et ne trouve pas dans le chaland de débarquement qui crève sur la grève dans le départ sifflant de la balle traceuse dans l’île de soufre sera sa mémoire.

Dans celui qui a sa fièvre en soi, à qui n’importent les murs dans celui qui s’élance et n’a de tête que contre les murs dans le larron non repentant dans le faible à jamais récalcitrant dans le porche éventré sera sa mémoire.

Dans la route qui obsède dans le cœur qui cherche sa plage dans l’amant que son corps fuit dans le voyageur que l’espace ronge.

Dans le tunnel dans le tourment tournant sur lui-même dans celui qui ose froisser les cimetières

Dans l’orbite enflammé des astres qui se heurtent en éclatant dans le vaisseau fantôme, dans la fiancée flétrie dans la chanson crépusculaire sera sa mémoire.

Dans la présence de la mer dans la distance du juge dans la cécité dans la tasse à poison.

Dans le capitaine des sept mers dans l’âme de celui qui lave la dague dans l’orgue en roseau qui pleure pour tout un peuple dans le jour du crachat sur l’offrande.

Dans le fruit de l’hiver dans le poumon des batailles qui reprennent dans le fou de la chaloupe.

Dans les bras tordus des désirs à jamais inassouvissera sa mémoire.

Henri Michaux,  In La Vie dans les plis 1949

Monsieur Plume with Creases in his Trousers (Portrait of Henri Michaux) 1947 by Jean Dubuffet 1901-1985

Monsieur Plume with Creases in his Trousers (Portrait of Henri Michaux) 1947 by Jean Dubuffet

Paul Eluard ( Poésie) & Karel Teige ( Photomontage) – La Rose publique , 1964

 

Karel Teige - Paul Eluard - La Rose publique

Paul Eluard ( Poésie)   & Karel Teige ( Photomontage)  – La Rose publique , 1964 (traduit en tchèque par Veřejná růže)

Karel Teige - Paul Eluard - La Rose publique

Paul Eluard ( Poésie)   & Karel Teige ( Photomontage)  – La Rose publique , 1964 (traduit en tchèque par Veřejná růže)

Karel Teige - Paul Eluard - La Rose publique

Paul Eluard ( Poésie)   & Karel Teige ( Photomontage)  – La Rose publique , 1964 (traduit en tchèque par Veřejná růže)

Henri Michaux & Adorée Villany le Nu

« Le nu se porte très difficilement, c’est une technique de l’âme »
Henri Michaux In, Un Barbare en Asie, 1933

Dancer Adorée Villany, photoportrait, seated on ground, topless, right arm behind her with hand on ground, left arm raised above her head, bent at elbow., probably, 1910s

Dancer Adorée Villany, photoportrait, seated on ground, topless, right arm behind her with hand on ground, left arm raised above her head, bent at elbow., probably, 1910s

Pierre Reverdy , Chemin tournant In Sources des vents, 1929

Il y a un terrible gris de poussière dans le temps
Un vent du sud avec de fortes ailes
Les échos sourds de l’eau dans le soir chavirant
Et dans la nuit mouillée qui jaillit du tournant
des voix rugueuses qui se plaignent
Un goût de cendre sur la langue
Un bruit d’orgue dans les sentiers
Le navire du coeur qui tangue
Tous les désastres du métier
Quand les feux du désert s’éteignent un à un
Quand les yeux sont mouillés comme
des brins d’herbe
Quand la rosée descend les pieds nus sur les feuilles le matin à peine levé
Il y a quelqu’un qui cherche
Une adresse perdue dans le chemin caché
Les astres dérouillés et les fleurs dégringolent
A travers les branches cassées
Et le ruisseau obscur essuie ses lèvres molles à peine décollées

Quand le pas du marcheur sur le cadran qui compte
règle le mouvement et pousse l’horizon
Tous les cris sont passés tous les temps se rencontrent
Et moi je marche au ciel les yeux dans les rayons
Il y a du bruit pour rien et des noms dans ma tête
Des visages vivants
Tout ce qui s’est passé au monde
Et cette fête
Où j’ai perdu mon temps

Pierre Reverdy , Chemin tournant In Sources des vents, 1929 

Gisèle Freund – Pierre Reverdy, 1960

Gisèle Freund – Pierre Reverdy, 1960

Dormir, dormir dans les pierres, poème by Benjamin Péret, illustrations by Yves Tanguy, 1927, Editions Surréalistes

Ce sont quelques-uns des rares poèmes d’amour de Benjamin Péret. Ils se déroulent dans le monde du sommeil et des rêves, dans un paysage de minéraux transparents comme le verre et le sel, et de simples plantes ou de fleurs telle la pâquerette. C’est un monde de solitude, où la vérité se cache dans du charbon et où le vent est le présage du changement. Le sommeil est considéré comme l’unification avec la nature, particulièrement avec des pierres et des rochers. Tout comme l’alcool et la mort, le sommeil offre un moyen d’échapper à la raison. Le texte est inspiré par de libres associations, mais dans l’oeuvre de Péret, adepte de l’écriture automatique, Cela ne tourne jamais au procédé. Le rêve, la mort, l’amour et la poésie sont des thèmes étroitement entremêlés.

« Dormir, dormir dans les pierres », poème by Benjamin Péret, illustrations by Yves Tanguy, 1927, Editions Surréalistes  ©Kb

 

Dormir, dormir dans les pierres,  poème 1927 by Benjamin Péret, illustrations by Yves Tanguy

Poèmes extraits de  « Dormir, dormir dans les pierres »,1927 by Benjamin Péret, illustrations by Yves Tanguy
©Kb

Dormir, dormir dans les pierres,  poème 1927 by Benjamin Péret, illustrations by Yves Tanguy

Yves Tanguy-  illustration pour Dormir, dormir dans les pierres, poème 1927 by Benjamin Péret ©Kb

Dormir, dormir dans les pierres,  poème 1927 by Benjamin Péret, illustrations by Yves Tanguy

Dormir, dormir dans les pierres, poème 1927 by Benjamin Péret, illustrations by Yves Tanguy ©Kb

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Paul Eluard

I

Les fruits du jour couvés par la terre
Une femme une seule ne dort pas
Les fenêtres sont couchées.

II
Une femme chaque nuit
Voyage en grand secret

III
Villages de la lassitude
Où les filles ont les bras nus
Comme des jets d’eau
La jeunesse grandit en elle
Et rit sur la pointe des pieds
Villages de la lassitude
Où tous les êtres sont pareils

IV
Pour voir les yeux où l’on s’enferme
Et les rires où l’on prend place

V
Des insectes entrent ici
Ombres grésillantes du feu
Une flamme toute rouillée
Éclabousse le sommeil
Son lit de chair et ses vertus.


VI
Je veux t’embrasser je t’embrasse
Je veux te quitter tu t’ennuies
Mais aux limites de nos forces
Tu revêts une armure plus dangereuse qu’une arme

(…)

VIII
Le corps et les honneurs profanes
Incroyable conspiration 
Des angles doux comme des aigles

– Mais la main qui me caresse 
C’est mon rire qui l’ouvre
C’est ma gorge qui la retient
Qui la supprime

Incroyable conspiration
Des découvertes et des surprises.

IX
Fantôme de ta nudité
Fantôme enfant de ta simplicité
Dompteur puéril sommeil charnel
De libertés imaginaires.

X

Plume d’eau claire pluie fragile

Fraîcheur voilée de caresses

De regards et de paroles

Amour qui voile ce que j’aime.

XI
A ce souffle à ce soleil d’hier
Qui joint tes lèvres
Cette caresse toute fraîche 
Pour courir les mers légères de ta pudeur
Pour en façonner dans l’ombre
Les miroirs du jasmin
Le problème du calme.

XII
Une chanson de porcelaine bat des mains

Puis en morceaux mendie et meurt

Tu te souviendras d’elle pauvre et nue

Matin des loups et leur morsure est un tunnel

D’où tu sors en robe de sang

À rougir de la nuit

Que de vivants à retrouver

Que de lumières à éteindre

Je t’appellerai Visuelle
.
Et multiplierai ton image.

XIII
Désarmée
Elle ne se connaît plus d’ennemis

XIV
Rôdeuse au front de verre

Son cœur s’inscrit dans une étoile noire

Ses yeux montrent sa tête

Ses yeux sont la fraîcheur de l’été

La chaleur de l’hiver

Ses yeux s’ajourent rient très fort

Ses yeux joueurs gagnent leur part de clarté.

XV
Elle s’allonge
Pour se sentir moins seule.

(…)

XVII
J’admirais descendant vers toi
L’espace occupé par le temps
Nos souvenirs me transportaient.

Il te manque beaucoup de place
Pour être toujours avec moi.

XVIII
Déchirant ses baisers et ses peurs

Elle s’éveille la nuit

Pour s’étonner de tout de qui l’a remplacée.

XIX
Au quai de ces ramures

Les navigateurs ne prospèrent pas

Paupières abattues par l’éclat l’écho du feu

Au quai des jambes nues

Perçant le corps dans l’ombre sourde

La trace des tentations s’est perdue.



Les fleuves ne se perdent qu’au pays de l’eau

La mer s’est effondrée sous son ciel de loisirs

Assise tu refuses de me suivre

Que risques-tu l’amour fait rire la douleur

Et crier sur les toits l’impuissance du monde.


La solitude est fraîche à ta gorge immobile

J’ai regardé tes mains elles sont semblables

Et tu peux les croiser

Tu peux t’attacher à toi-même


C’est bien — puisque tu es la seule je suis seul.

XX
Une prison découronnée

En plein ciel

Une fenêtre enflammée

Où la foudre montre ses seins

Une nuit toute verte

Nul ne sourit dans cette solitude

Ici le feu dort tout debout
À travers moi.



Mais ce sinistre est inutile

Je sais sourire

Tête absurbe

Dont la mort ne veut pas dessécher les désirs

Tête absolument libre

Qui gardera toujours et son regard et son sourire.



Si je vis aujourd’hui

Si je ne suis pas seul

Si quelqu’un vient à la fenêtre

Et si je suis cette fenêtre

Si quelqu’un vient

Ces yeux nouveaux ne me voient pas

Ne savent pas ce que je pense

Refusent d’être mes complices


Et pour aimer séparent.

(…)

XXII
Derrière moi mes yeux se sont fermés

La lumière est brûlée la nuit décapitée

Des oiseaux plus grands que les vents

Ne savent plus où se poser.



Dans les tourments infirmes dans les rides des rires

Je ne cherche plus mon semblable

La vie s’est affaissée mes images sont sourdes

Tous les refus du monde ont dit leur dernier mot

Ils ne se rencontrent plus ils s’ignorent

Je suis seul je suis seul tout seul

Je n’ai jamais changé.

Paul Eluard in L’univers solitude

Paul Éluard , Du fond de l’abîme

Il n’étaient pas fous les mélancoliques
ils étaient conquis digérés exclus
par la masse opaque
des monstres pratiques

avaient leur âge de raison les mélancoliques
l’âge de la vie
ils n’étaient pas là au commencement
à la création
ils n’y croyaient pas
et n’ont pas su du premier coup
conjuguer la vie et le temps
le temps leur paraissait long
la vie leur paraissait courte
et des couvertures tachées par l’hiver
sur des coeurs sans corps sur des coeurs sans nom
faisaient un tapis de dégoût glacé
même en plein été

Paul Éluard , Du fond de l’abîme

Robert Desnos

« AU MOCASSIN LE VERBE
Tu me suicides, si docilement
Je te mourrai pourtant un jour.
Je connaîtrons cette femme idéale
et lentement je neigerai sur sa bouche
Et je pleuvrai sans doute même si je fais tard, même si je fais beau temps
Nous aimez si peu nos yeux
et s’écroulerai cette larme sans
raison bien entendu et sans tristesse.
Sans. »
Robert Desnos, Langage Cuit , 1923