Né en 1900, Pierre Molinier est connu pour ses photographies, ses photomontages et pour ses peintures érotiques qui interrogent l’identité sexuelle de tout à chacun, imposant l’androgynie, le fétichisme et les pratiques sexuelles de toutes sortes qui ne peuvent nullement laisser indifférent par ce qui se donne à voir au travers son oeuvre et de sa quête purement personnelle, ceux qui la regarde, l’approche de près ou de loin.
Il a fait de son corps et sa psyché un terrain d’expérimentation et de création sans limites et cela lui a en tous les cas permis de vivre jusqu’à ce qu’il se suicide en se masturbant, et en se tirant une balle dans la tête dans son appartement à Bordeaux en 1976.
Il étudie dans une institution religieuse Chrétienne et c’est tout jeune qu’il commence à peindre, dessiner et faire des photographies de lui-même et de sa famille. Il dit avoir eu une vie sexuelle très précoce et l’on peut sans nul doute souligner que sa pratique fût dès l’origine déviante et pathologique (la nécrophagie ou inceste par exemple), intéressé par les jambes des femmes dès ses 3 ans, caressant celles de sa sœur à 10 ans, faisant l’amour pour la première fois vers 13 ans avec une prostituée qui le gardera longtemps comme amant et avec laquelle il aurait eu une fille. En 1918, depuis longtemps amoureux de sa soeur cadette, il raconte qu’il aurait caressé les jambes du cadavre de cette dernière, alors qu’il était agé de 15 ans , après l’avoir photographié sur son lit de mort et dira de cet acte : « Même morte, elle était très belle ! Je lui ai éjaculé sur le ventre et les jambes, dans sa robe de communiante : elle est partie avec le meilleur de moi-même ! « . Que dire, que penser d’un tel discours ci ce n’est qu’il n’est peut-être que Fantasme, invention , et que s’il s’avère être de l’ordre de la réalité, il signe là, un discours pervers (c’est à dire dénué de toute culpabilité, mais bien au contraitre qui semble le rendre tout puissant ) , début de mythomanie et de se créer une autre histoire une nouvelle identité, mais déjà le processus est en route et n’ira que croissant. Il raconte avoir commencé à se travestir vers 18 ans et à sortir dans les bals avec des amis… et avoir eu à 20 ans, une fille, Monique, qu’il retrouvera plus tard, à Bordeaux, prostituée de son état et qui serait devenue sa maîtresse… encore une fois, Et ajoutons que quelques années après le suicide de son père, il le fera exhumer et gardera ses ossements dans un petit cercueil rue des Faussets ( appartement dans lequel il vivra 45 années). Le cadre est à présent posé, ce retour sur de tels faits marquants s’imposait selon moi, afin d’aborder avec un peu plus d’outils, l’oeuvre de cet Homme qui proclamait « Notre mission sur la Terre est de transformer le monde en immense bordel »
Au début des années 1920, il suit des cours de dessin à Agen et étudie les oeuvres des maîtres anciens. Après son service militaire vers 22 ans, après un détour par Paris, Pierre retourne à Bordeaux, où il s’était installé en 1919 et avait crée une entreprise de peinture en bâtiment, et maintien une vie conventionnelle en apparence, il se marie, a deux enfants : Françoise et Jacques. Mais ses fantasmes sont plus forts que tout, il a de très nombreuses maîtresses qu’il ramène chez lui. Molinier dira même avoir été amoureux de sa fille Françoise, ce dont sa femme s’était rendue compte. 1940 Il est mobilisé comme infirmier, fait prisonnier, à sa libération, il s’installe avec sa famille dans la campagne bordelaise. Son » Couple ‘ survivra jusqu’en 1949 date où sa femme quitte le domicile. Un an après son départ Pierre érige sa « Tombe prématurée » surmontée d’une croix noire portant comme inscription: « Ci-gît/Pierre MOLINIER/né le 13 avril 1900 mort vers 1950/ce fut un homme sans moralité/il s’en fit gloire et honneur/Inutile/de/P.P.L. » Il se photographie dans son atelier, les bras en croix, en suicidé, puis, dans son appartement, sur son lit de mort.Cette rupture fût probablement un choc pour lui.
De 1946 jusqu’en 1951, c’est une période de rupture avec la vie conventionnelle et l’affirmation de sa liberté par la radicalisation de son comportement , ce qu’on retrouve inévitablement dans son œuvre , par exemple » Les Orphéons Magiques » ( poèmes reconnus par Breton comme surréalistes ), sa peinture aussi
De 1951 à 1966, il fait ses autoportraits photographiques, travesti, exprimant son fétichisme des jambes , tout seul dans son atelier, photos qu’il ne montre qu’aux très rares personnes venant le voir. De ces photos, il fait des découpages pour obtenir » ses inventions érotiques » c’est à dire ses photomontages.
En 1955 Il écrit à André Breton et lui envoie un port-folio de photographies de ses oeuvres. André Breton se prend de passion pour ces « oeuvres magiques » et manifeste son enthousiasme pkus partuclièrement face à deux tableaux érotiques que lui adresse Molinier, Les Dames voilées et LaComtesse Midralgar.et lui adresse une série de lettres enthousiastes dans lesquelles il lui écrira notamment « Vous êtes aujourd’hui le maître du vertige, d’un de ces vertiges que Rimbaud s’était donné à tâche de fixer, et peut-être du pire.».
Il lui propose d’exposer plusieurs oeuvres (dix-huit peintures au total dont « Comtesse Midralgar » la voir sur le site Ici) début 1956 à Paris à la galerie de » l’Étoile Scellée « .Le jour du vernissage, sont diffusées dans la pièce les chansons d’un inconnu, Léo Ferré.Il en reste un petit catalogue.Préfacé par Breton.
Il fait la connaissance d’ Hans Bellmer, Man Ray Max Ernst etc…. Mais c’est lui qui présente Joyce Mansour à Breton. Elle est une superbe égyptienne très riche et surtout très talentueuse, très grande poétesse érotique. Elle a d’ailleurs écrit Sens interdits , évocateur poème pour son ami….
« Sur le fil sans fin
De sa toile-écran
Funambule du burin
Faux cils excès de joie bas résille
Cris rauques sous le vernis
Sperme amidon fécule et albumine
Des femmes fleurs s’ouvrent dans l’œil du
printemps
Ocelles de plumes sur un pan de mur évanoui
Leur pubis un volcan
Brûlant et stérile
Leur plaie un lac pierre de lune
Un masque une chimère
Couvre leur visage de nuit
La peinture sèche
Un nœud d’angoisse durcit
Un drap défait bande en spirales
Le délire de Pierre Molinier
Vit. »
Joyce Mansour, « Sens interdits » ,1979
Par la suite, Molinier Réalisera le portrait de son amie Joycee pour le N° 1 de la revue Le Surréalisme même Et fera la couverture du n°2

Pierre Molinier- Portrait de Joyce Monsour illustration pour Le Surréalisme, Même n°1, superviseur andré Breton 1957, Paris, Jean-Jacques Pauvert ed

Cover by Pierre Molinier- Le Surréalisme Même N°2, printemps 1957. Superviseur André Breton , Paris, Jean-Jacques Pauvert ed°
Convié par Breton, il exposera une toile à la 8e Exposition internationale du Surréalisme dédiée à Eros, en 1969.
À partir des années 1960, c’est Le grand tournant, il se consacre totalement à son œuvre photographique et picturale, abandonnant son métier de peintre en bâtiment. Molinier se met en scène en se travestissant ou en faisant poser ses amis. Il fait ses premiers essais photographiques de photomontages dans lesquels il réunit, à partir de photographies d’éléments travestis et découpés de son propre corps, les genres masculin et féminin. Montages qu’il re photographie pour parvenir à des tirages les plus propres possibles. Il participe aux manifestations du groupe surréaliste, participe au journal. Dès lors, l’important, sera sa collaboration aux publications surréalistes avec ses photomontages qui le font connaître dans le monde entier, mais il continue bien sur à peindre et ses tableaux deviennent fortement érotiques : pour ses glacis, symboliquement, il mélange même son propre sperme aux pigments de couleur.
Mais les 10 années d’amitié avec André Breton qui décrit sa peinture comme » magique » achoppent sur le titre d’un tableau blasphématoire : « Oh !…Marie, Mère de Dieu », réalisé en 1965 (où deux femmes pratiquent une fellation et une sodomie sur un Christ crucifié). En effet ce tableau parvient même à dissuader André Breton de l’intégrer à l’Exposition Internationale du Surréalisme.
Puisque vous pouvez retrouver la Peinture sur le site je vous propose plutôt deux auto-portraits l’un durant la réalisation de la toile et l’autre une fois achevée. Toujours avec une mise en scène bien léchée…

Pierre Molinier- Molinier autoportrait devant sa toile en cours « Oh !…Marie, Mère de Dieu », 1965, tirage argentique

Pierre Molinier- Molinier autoportrait devant sa toile « Oh !…Marie, Mère de Dieu »finie, 1965, tirage argentique
De cette époque là date aussi sa » carte de visite » le représentant en auto-fellation dont il dira qu’il a mis deux ans à y arriver grâce à un joug en fer, pour faire comme les yogis, et qu’il est resté « 18 jours sans rien bouffer d’autre que son sperme ».
En 1962 Raymond Borde lui consacre un film, projeté à Bordeaux en privé en 1964 et projection publique de la version censurée en 1966. Borde publiera « Pierre Molinier », Un film de Raymond Borde. Texte et commentaire d’ André Breton [reprend l’essentiel de la préface rédigée pour l’exposition à L’Étoile scellée] ,Paris, Le Terrain Vague ,1964, où les images du film sont reproduites et accompagnées des mots de Breton. Molinier lui-même tournera en 1965 une sorte d’auto-portrait de 10 minutes sur ses » Jambes »
Le Temps de la mort est peint la même année qu’a lieu le tournage du film de Raymond Borde consacré à l’œuvre de Pierre Molinier (le premier d’une importante filmographie). Les papiers réunis par Jean-Luc Mercié permettent de suivre la genèse du documentaire (21 min.) et de constater l’incidence des prises de vue sur l’évolution des peintures. D’abord écarté, Le Temps de la mort est finalement intégré au film dans des plans additionnels par rapport au script original. Molinier insiste sur l’importance du travail de Raymond Borde et reconnaît sa dette envers le film qui l’a incité à retravailler certains tableaux. À propos du tableau Le Temps de la mort, Molinier déclare : « Pour moi ce tableau est un acte de foi […], puisque la gastronomie et autre buvaillerie sont célébrées, pourquoi pas un culte de la volupté. La volupté qui se rapproche si bien de la béatitude de la mort. » Il est reproduit pour la première fois en mars 1963 dans le quatrième numéro de la revue La Brèche.( voir le site Melusine surréalisme qui a mis en ligne ces précieux documents et qui nous le font partager. Merci à Eux. ( vous n’y verrez que les texte, mais néanmois il est bien notifié dans le N°4 que Molinier est un des illustrateur.

Pierre Molinier-Le Temps de la mort n° 1, 1962 Huile sur isorel in Pierre Molinier, Paris, Les Presses du réel Kamel Mennour, 2010
Dans les années 1966-1967, Molinier prépare un ouvrage sur ses peintures (publié chez Pauvert en 1969) et il va multiplier les rencontres avec des peintres surréalistes et commence à réunir ses photomontages dans la perspective d’en éditer un recueil VOIR ICI http://www.geocities.jp/belial1313xx/m_selfportrait.html « Le Chaman et ses Créatures » dans lequel apparaissent les visages de deux de ses inspiratrices Emmanuelle Arsan ( avec qui il a pris contact et avec laquelle ils ont entretenu une forte relation epistolaire. et Hanel Koeck, , «Déesse de l’érotisme» .
Le « Chaman et ses Créatures »est une réalisation qui lui prendra pas moins de 5 années et bien que le projet prenne forme, de nombreux éditeurs renonceront à publier l’album. En effet, ses photographies illustrent ses préférences sexuelles et certaines tendances (masturbation, éjaculation précoce, sodomie avec godemichés, auto-fellation, masochisme, transvestisme et fétichisme), ce qui n’est pas du goût de tout le monde, Mais Il cessera jamais de modifier la maquette du recueil qui ne sera finalement pas publié de son vivant. Il sera finalement édité en 1995, par William Blake & Co.Edit.
Le Chaman et ses créatures est articulé autour de deux figures tutélaires, Emmanuelle et Hanel Koeck, dont l’évolution des relations sentimentales influe sur la distribution des images, leur rythme et leur ordre. Il se documente et exploite abondamment le livre de Mircea Eliade sur le chamanisme : « Le chamanisme est une des techniques archaïques de l’extase, à la fois mystique, magie et “religion” dans le sens large du terme » (préface, Payot, 1950). Les répétitions de bras et de jambes ainsi que la symétrie qui caractérisent les photomontages trouvent leur source autant dans les représentations de Shiva ou dans le tantrisme1 que dans une publicité de machine à laver découpée et conservée par Molinier. Sur le pavois, la planche 26 du Chaman, est citée par l’écrivaine, journaliste et éditrice féministe Xavière Gaut hier dans son étude Surréalisme et sexualité (Gallimard, 1971) qui dresse un bilan sévère du rapport des surréalistes au corps et à l’amour.
Pierre Molinier- Le chaman et ses créatures , William Blake & Co.Edit. 1995

© Pierre Molinier- Introit-Collage préparatoire inédit (n°1) pour le photomontage Introït, planche 2 de l’album Le Chaman et ses créatures

Pierre Molinier – Collage préparatoire inédit (n°2) pour Introït, planche 2 du Chaman et ses créatures, 1965-1968

Pierre Molinier- Collage préparatoire inédit (n°3), avant dernier état pour Introït, planche 2 du Chaman et ses créatures, 1965-1968

Pierre Molinier- Rêve, ou Les pieds amoureux, photomontage, planche 7 du Chaman et ses créatures, 1968

Pierre Molinier- Collage inédit (réutilisant deux images du Stylite), planche 14 du Chaman et ses créatures, 1965-1968

Pierre Molinier- Féminin pluriel est triste, planche 32, 1967, Le Chaman et ses créatures, 1965-1968
Parallèlement à cela il travaille à la série « L’œuvre, le peintre et son fétiche » et vers 1968, il créé « La grande mêlée », apothéose de ses photomontages destinés au « Chaman et ses Créatures »
D’autre part il sera recherché tous les documents possibles sur les contacts avec les cinéastes Simsolo et Berlanga, sachant que la relation avec Luciano Castelli a fait l’objet d’un dossier complet par les bons soins de la Maison Européenne de la Photographie. Cette exposition fait suite à un ensemble de manifestations autour de Pierre Molinier, organisées par l’Enseigne des Oudin, à l’occasion de la publication d’un dossier par l’éditeur bordelais Jour de Lettre et d’un recueil de souvenirs, de poésies et de photos de Pierre Molinier et de Pierre Bourgeade en co-édition par Voix-Richard Meier et L’Enseigne des Oudin en 1996 et 97, dans lequel Bourgeade écrira « La liberté vécue entre ces quatre murs, le problème de l’humanité (qu’est-ce qu’être homme, et comment l’être ?) sans cesse posé dans sa tête, on comprend que Molinier n’ait cessé d’hésiter au bord de ce gouffre : être homme – et pourquoi n’être pas femme ? Le mot homme a deux sens et, comme dans ces illusions d’optique où sitôt que la conscience saisit un dessin c’est un autre dessin qui veut apparaître, en même temps qu’il était le plus homme de tous, Molinier, par la force des choses, l’était le moins. »recueil de souvenirs, de poésies et de photos de Pierre Molinier et de Pierre Bourgeade en co-édition par Voix-Richard Meier et L’Enseigne des Oudin en 1996 et 97.
Pierre Molinier – Le Modele, 1970
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